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dans les documens publiés en Amérique et en Europe, tout ce qui intéressait le territoire d’Aliaska, et l’on se vit bientôt plus riche en informations qu’on ne l’aurait supposé au premier abord. L’exposé que nous allons faire résume ce que ces recherches apprirent de plus important.

Les gens hostiles à l’acquisition de l’Amérique russe par les États-Unis soutenaient que dans ces parages l’année se compose de neuf mois d’hiver et de trois mois de temps moins âpre. Les habitans des états de l’est avaient tort de critiquer le climat de la péninsule d’Aliaska, car le littoral du Pacifique est plus favorisé que celui de l’Atlantique sous le rapport de la température. Les côtes occidentales de l’Amérique éprouvent, comme celles de l’Europe, l’influence bienfaisante des courans maritimes. Par analogie avec le gulf-stream, qui conduit à l’Islande et à la Norvège les eaux chaudes du golfe du Mexique, il existe dans le Pacifique un courant qui part de l’équateur, coupe en biais du sud-ouest au nord-est l’immensité de cet océan, et vient réchauffer les côtes situées entre le 50e et le 58e degré parallèle. L’effet calorifique de ce courant se fait aussi sentir plus au nord, si bien que la péninsule d’Aliaska et les îles aléoutiennes jouissent d’une température plus élevée que l’intérieur du continent. En janvier, le thermomètre ne descend pas plus bas à Sitka qu’à Philadelphie, à Amsterdam et à Pékin. En juillet se fait sentir l’influence réfrigérante des vents froids du nord et des banquises qui descendent de la Mer-Glaciale par le détroit de Behring ; la température de Sitka est alors comparable à celle de Québec, tandis que les îles aléoutiennes sont situées sous la même ligne isothermale que l’Islande et le Labrador. Il fait plus chaud en hiver et plus froid en été qu’en certaines régions du globe où les hommes de race blanche vivent et prospèrent. Ce n’est donc pas un pays que l’inclémence du climat puisse soustraire, au moins dans les districts méridionaux, aux entreprises des colons américains. De même qu’au Canada, les rivières sont gelées pendant plusieurs mois ; les pluies sont abondantes en été, les brouillards sont fréquens et rendent la navigation côtière assez périlleuse, ce qui est dû aux vents humides qui arrivent de l’ouest. En somme, les adversaires de l’annexion exagéraient beaucoup les défauts de cette contrée.

La population aborigène ne sera pas plus que les élémens une entrave sérieuse aux progrès de la colonisation. On estime que 60 ou 70,000 indigènes vivent dispersés sur ce territoire d’une prodigieuse étendue ; encore le nombre en paraît-il décroître chaque année. On les classe en quatre races distinctes qui ont toutefois des caractères communs. Autour de Sitka se trouvent les Kolosch, qui diffèrent peu des Indiens déjà connus. Ils habitent des villages, sont cruels, belliqueux, et font volontiers la guerre aux blancs. Ils ont