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incurie qui a ressemblé à du mauvais vouloir ; la plaine d’Argos possédait une ferme-école dont l’influence était fort heureuse, elle a cessé d’être soutenue, et elle est tombée ; la reine Amélie, femme du roi Othon, avait créé près d’Athènes un établissement modèle qui n’est plus qu’une ruine. Les routes que le dernier gouvernement avait commencées n’ont pas été continuées ; les transports se font encore à grands frais sur des mulets et sur des ânes, comme dans les pays turcs les plus abandonnés. Bien plus, on a rendu il y a quelque temps une loi affectant certains centimes à la construction de chemins. Ces centimes, assure-t-on, ont été perçus, mais les chemins n’ont pas été faits ; l’argent passe à la guerre et à l’intrigue. Voici, pour que le lecteur en puisse juger, un exemple des effets produits par cet état de choses : à la dernière récolte, dans le Péloponèse, le vin se vendait 2 centimes le litre, et beaucoup de vignes n’ont pas été vendangées ; il est évident que, si la préparation eût été améliorée et qu’il y eût eu des voies nombreuses aboutissant aux ports de mer, tout ce vin aurait pu être exporté, et qu’une somme d’argent considérable serait entrée dans le Péloponèse.

Au progrès de l’agriculture se rattache étroitement celui des industries qui en dépendent. Le pays produit assez de coton, de laine et de soie pour vêtir tous ses habitans, il est fécond en matières tinctoriales ; mais il n’y a pour ainsi dire pas de fabriques d’étoffes de soie, de laine ou de coton. Des tissages domestiques se font encore dans certaines provinces au moyen de petits métiers dont les produits sont solides, mais fort chers, et employés principalement par les gens qui ont gardé les anciens costumes. Quant aux autres, dont le nombre s’est accru depuis vingt ans dans une grande proportion, ils achètent les draps, les calicots et les soieries de France, d’Allemagne, d’Angleterre et d’Amérique. La Grèce vend donc à l’étranger ses matières premières pour les racheter plus cher quand on les lui rapporte manufacturées ; si elle n’avait pas une autre source de revenus dont nous parlerons tout à l’heure, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus une drachme en circulation dans toute la contrée.

Quant aux autres industries, elles sont nulles ou à peu près. Dans Athènes, ville de 50,000 habitans et capitale d’un royaume, on ne trouve pas à faire, je ne dirai pas fabriquer, mais réparer une lampe ou une montre, ou construire un appareil, même très simple, exigeant quelque précision. Les grandes industries sont à créer. Si elles n’existent point, ce n’est pas que la force manque ou qu’elle soit coûteuse : outre celle qu’on peut toujours produire avec du combustible, la Grèce a des chutes d’eau perpétuelles dans ses montagnes ; à Livadie, l’Hercyne développe plus de mille chevaux