Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/473

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cependant elle n’a pas encore conquis le repos. Les Grecs devraient comprendre que les industries venues du dehors sont pour eux autant de bienfaits et souvent des actes de courage, sinon de dévoûment. Quand ils auront appris comment on les fonde, comment on les exploite et comment on travaille, alors ils n’auront plus besoin des étrangers. Pour les aider à y parvenir plus vite, nous avons en Occident mille écoles d’industrie, mille exploitations agricoles et un nombre infini de manufactures où ils peuvent envoyer leurs enfans en apprentissage. Il n’est pas un gouvernement qui ne fût heureux de les encourager dans cette voie ; les chefs d’établissemens privés le seront d’enseigner leur art à des jeunes gens qui reviendront exploiter leur propre pays, et avec lesquels ils resteront en rapports d’affaires. Je connais des industriels français, anglais et allemands qui échangent entre eux leurs fils et se les rendent après deux ou trois ans, habiles et tout formés. Un tel échange ne peut exister avec la Grèce, où tout est à créer ; mais le bon vouloir qu’on a pour elle et le désir de la voir prospérer en tiendront lieu. Que ne fonde-t-elle de son côté des hétairies agricoles et industrielles, comme elle en a fondé pour la création d’écoles et de maisons de bienfaisance ? Ces sociétés entretiendraient des jeunes gens en Europe en même temps qu’elles organiseraient, pour leur retour, des établissemens agricoles et industriels.

Comment donc la Grèce a-t-elle vécu jusqu’à ce jour ? Par la marine et par la banque : elle ne produit pas, mais elle transporte et elle échange les valeurs des différens pays de production. Sur 1 million 1/2 d’habitans que renferment la Grèce libre et ses îles, on compte aujourd’hui de 28 à 30,000 marins, qui sont les plus sobres et les plus habiles de la Méditerranée. Leurs nombreux bâtimens à voiles se construisent généralement dans le pays et à peu de frais, quoiqu’une partie des matériaux vienne de l’étranger. Ils peuvent faire les transports à des conditions plus avantageuses que les autres marines, parce qu’à la modicité des prix ils ajoutent la sécurité sur mer. La marine à vapeur locale s’est bien développée depuis vingt ans : en 1850, il n’y avait encore dans les mers grecques qu’un petit service gréco-autrichien par l’isthme de Corinthe ; aujourd’hui toutes les côtes de terre ferme et la plupart des îles sont desservies par une compagnie hellénique de navigation à vapeur qui est loin d’avoir atteint la perfection, mais qui fait de bonnes affaires. Quand les services de ses bateaux seront plus réguliers et plus rapides, l’installation meilleure, les prix moins élevés et la police du bord mieux faite, elle pourra lutter avec les grandes compagnies du dehors.

La Banque nationale partage avec la Banque ionienne le