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régler leur avenir d’après ces principes, au succès desquels ils sont eux-mêmes intéressés.

La situation des peuples et les événemens se résument en une double formule : les Grecs ne peuvent occuper Constantinople sans le secours de la Russie, la Russie ne peut ni ne veut la leur donner. Or le « panhellénion » est fait, l’unité morale des populations helléniques existe ; mais ce n’est point par la guerre et par la conquête qu’elle peut se réaliser politiquement. Ceux qui rêvaient encore, il y a quelques mois, Constantinople pour capitale, qui voulaient voir au jour de l’an prochain le roi George « salué par le patriarche du haut des marches de Sainte-Sophie, » ont déjà renoncé à cette coupable chimère, et comprennent que, le roi George ne pouvant régner sur le Bosphore, il vaut mieux pour eux y voir le sultan que le tsar. En réalité, ce n’est pas Constantinople qui est le centre de l’hellénisme, c’est Athènes ; Athènes en est le milieu géographique, le vrai siège historique ; par la force des choses et en s’aidant un peu, elle en deviendra avant peu d’années le centre maritime, commercial et industriel. Si les Grecs veulent absolument rattacher leur nouvelle histoire à celle des anciens, ce n’est pas aux Constantins qu’ils devraient songer, c’est à Périclès.


III

Si l’on admet que la Grèce possède tous les élémens d’un peuple complet et qu’il manque uniquement à ses forces morales ce contrepoids que les nations de l’Europe trouvent dans leur agriculture et leur industrie, il ne restera plus qu’à examiner si la marche des choses pourra la conduire dans cette voie, ou si elle demeurera toujours à l’écart du mouvement européen. Il est bon de remarquer que dès à présent elle est en relation avec toute l’Europe par sa marine, ses banques et ses négocians, tandis que d’un autre côté elle se tient au courant de nos sciences et s’assimile de plus en plus à nous par l’instruction. Il est bien difficile d’admettre qu’avec leur esprit éveillé et leur activité physique les Grecs s’en tiendront toujours à des théories et achèteront toujours en Europe ce qu’ils pourraient faire eux-mêmes en les appliquant. La réaction en ce sens est aujourd’hui très énergique : les journaux, qui avant la conférence de Paris ne parlaient que de guerre et de conquêtes, ne demandent plus que l’encouragement de l’agriculture, la répression du brigandage, l’ordre dans les finances, l’apprentissage des arts et des métiers, la construction des routes, des chemins de fer et des canaux. Il ne suffit pas de parler, il faut agir, et pour cela les Grecs ont besoin du concours des Occidentaux. On ne peut donc