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de l’azote et de l’oxygène et qu’on en forme une série de composés en conservant toujours la même quantité d’azote, soit 175 parties, on obtiendra le tableau suivant :


Le protoxyde d’azote renferme, pour 175 parties d’azote 100 d’oxygène
Le bioxyde d’azote 175 — 200 —
L’acide nitreux 175 — 300 —
L’acide hyponitrique 175 — 400 —
L’acide nitrique 175 — 500 —

Entre les chiffres de ces deux colonnes, les relations sont saisissantes. Un seul et même nombre occupe la première, tandis que dans la seconde figurent des quantités qui varient comme les nombres simples 1, 2, 3, 4, 5. Notons que cette belle loi embrasse et confirme celle des proportions définies, laquelle est encore plus facile à comprendre, et consiste en ceci, que, pour former par exemple du protoxyde d’azote, il faudra dans tous les cas invariablement associer 175 parties d’azote à 100 parties d’oxygène. Il y a là une proportion déterminée, fixe, constante, qui constitue une loi. Avant Dalton, cette permanence avait été contestée ; elle le fut encore de son temps, notamment par Berthollet. Elle ne l’est plus aujourd’hui. En posant cette loi, en y ajoutant celle des proportions multiples, la chimie est venue attester deux fois les habitudes régulières de la nature et l’ordre merveilleux auquel elle obéit.

Après avoir constaté ces intéressans phénomènes, Dalton eut l’ambition de les interpréter théoriquement. Pour expliquer le jeu si merveilleusement régulier des combinaisons chimiques, il eut recours à une hypothèse très claire dont il sut encore augmenter la clarté. Évoquant les corpuscules autrefois imaginés par Démocrite, il supposa que les parties dernières qui s’associent dans les corps mis en présence sont des atomes d’une étendue réelle et d’un poids constant. Partant de là, il disait que, si deux corps se combinent selon la loi des proportions définies simples, un atome du premier s’unit à un atome du second. Si les combinaisons ont lieu selon la loi des proportions multiples, on admettait qu’un atome du premier corps s’unit successivement à un, deux, trois, quatre, cinq atomes du second. Entre les molécules complexes des corps composés, il établissait les mêmes rapports qu’entre les atomes des corps simples réunis par l’affinité. Enfin le poids d’un corps n’était plus que la somme des poids de ses atomes. On raisonnait sur des termes précis, on s’entendait avec soi-même, les abstractions prenaient corps.

Dès le début, on apprécia l’utilité et la fécondité de cette hypothèse. Elle a été éprouvée pendant plus d’un demi-siècle par une légion d’esprits chercheurs et inventifs. Gay-Lussac, Ampère, Berzélius, M. Dumas, Laurent et Gerhardt l’ont tour à tour marquée,