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assaillis leur rendirent chamade pour chamade ; de leur côté, les agens de policé dressèrent des procès-verbaux, et la justice de paix fut saisie. Les délinquans, au nombre de douze, eurent à comparaître, le 19 avril, devant le prétoire, et à s’expliquer sur les faits qui leur étaient imputés ; neuf d’entre eux, sur le vigoureux réquisitoire de M. Louis Vaucher, furent condamnés de un à trois jours de prison, indépendamment des frais du procès. Malgré les subtilités de la défense, la véritable jurisprudence fut donc réhabilitée. Il demeura entendu que la communauté doit avant tout à ses membres la liberté de disposer d’eux-mêmes, et ne tolère d’autre contrainte que celle qui s’exerce au nom de la loi.

Les choses en sont là ; quelque dépit qu’elle en ait, l’Association internationale fera bien de s’attaquer à un autre pays que la Suisse. Il est des hommes qu’on n’abuse point avec des mots et qu’on ne mène pas avec des violences. C’est l’intérêt de ces scènes, c’est en outre la leçon qui s’en dégage pour le reste de l’Europe. Cette leçon n’est pas à négliger, comme on va le voir ; il s’agit de la paix sociale.


III

Une première remarque à faire, c’est que nulle autre part qu’en Suisse de tels conflits n’auraient eu ce dénoûment. Pour s’en convaincre, il suffit de suivre dans ses invasions cette Association internationale qui a déjà tant fait parler d’elle. Elle n’est pas née en France, comme on l’a dit, elle est née en Angleterre, où elle a deux grands foyers d’influence, Manchester et Londres ; elle est la fille légitime de ces trade’s unions dont M. le comte de Paris, dans-un volume nourri de faits, vient de nous raconter l’attachante histoire. On la reconnaît, cette association, à deux traits qui ne trompent pas, des exactions entées sur des grèves et des châtimens pour les ouvriers à qui ces grèves répugnent. C’est ainsi que se sont passées les choses dans le Lancastre, dans le Middlesex et à Sheffield, d’odieuse mémoire. Rien de plus intolérable ; comment les Anglais y ont-ils obvié ? Par une enquête au nom de la couronne, enquête qui, en jetant une pleine lumière sur le passé, a légué à l’avenir un bien sombre problème. Voilà pour l’Angleterre. A la France maintenant ; mais peut-on faire état de ce qui s’y passe ? Là où les plus grandes hardiesses sont des hardiesses de tolérance, souffertes quand cela convient, supprimées ou punies quand cela déplaît, comment parler de la liberté et de la responsabilité des actes ? Le groupe de l’association fondé à Paris l’a appris à ses dépens. Longtemps on l’a toléré, encouragé même ; c’est qu’il