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des heures de travail. Le terrain était pourtant mieux choisi ; on s’attaquait aux plus grands chantiers du monde. Il y eut même, les circonstances aidant, une première veine de succès. Le prix de la journée fut porté de gré à gré de 5 shillings (6 fr. 25 cent.) à 5 shillings 6 deniers et 6 shillings (6 fr. 87 cent, et 7 fr. 50 cent.) En outre le samedi, quoique payé intégralement, devait se terminer d’abord à quatre heures, puis à une heure après midi. Alors arriva ce qui arrive toujours aux ouvriers à la suite d’une concession ; ils s’en emparèrent pour en exiger de nouvelles. Leur idée fixe était d’obtenir une réduction dans la durée de la journée : ils y revinrent obstinément. Les plus modérés se contentaient d’une heure en moins, les intraitables, et c’étaient les plus nombreux, en voulaient deux. Trois ans de négociations mêlées de ruptures ne suffirent pas pour vider le différend. Les choses allèrent si loin qu’à l’association des ouvriers il fallut opposer une association de maîtres qui, dans une revanche exemplaire, donnèrent un jour congé à 7,856 ouvriers à la fois, et signifièrent en même temps aux congédiés, pour première condition à leur rentrée, qu’ils eussent à rompre avec les unions auxquelles ils étaient affiliés. Enfin, de guerre lasse, un compromis eut lieu en 1861 : au lieu d’une réduction sur les heures de la journée, les entrepreneurs consentirent à prendre l’heure elle-même. pour l’unité du prix, et l’ont portée successivement et sans lutte à 7 d. (0 fr. 73 cent, en 1862), à 7 d. 1/2 (0 fr. 78 cent.) en 1865, et à 8 d. (0 fr. 8k cent.) en 1866. Après le temps perdu et les préjudices essuyés, c’était, toute proportion gardée, l’équivalent des prix au point de départ.

Encore dans cette loterie des grèves les ouvriers du bâtiment n’ont-ils pas été des plus maltraités. Les dommages essuyés par d’autres corps de métier sont incomparablement plus graves. C’est le cas des ouvriers en fer dans les comtés du centre et du nord de l’Angleterre. Une première fois, en 1864, ils résistent six mois, au prix de 17,000 livres sterling de sacrifices (425,000 fr.), à une coalition de patrons qui les amène à composition par la concurrence d’ouvriers tirés de la Belgique. Une seconde fois, en 1865, dans des cadres plus vastes et en groupant plus de forces, la même lutte s’engage, et se change en un désastre dont les suites pèsent encore sur l’industrie du fer. On eût dit qu’ouvriers et patrons s’étaient entendus pour la rendre plus onéreuse ; les ouvriers avaient quitté un certain nombre d’ateliers, et de leur côté les patrons en avaient fermé d’autres suspectés d’alimenter la grève par des contributions prélevées sur le prix de leur travail. Toute la région des forges regorgea bientôt d’oisifs qui au bout de quelques semaines devinrent des affamés. Quand les ouvriers eurent cédé, la liquidation fut