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savante histoire de l’école d’Alexandrie que d’étroits rapports de filiation unissent la doctrine chrétienne de la Trinité à la métaphysique néo-platonicienne ! Il existe dans plus d’un pays des chaires de théologie où depuis soixante ans on enseigne quelque chose de très approchant ; mais la philosophie n’est pas toujours aussi libre en France que la théologie l’est ailleurs. Ce qui console, c’est qu’on chercherait en vain dans les appréciations de M. Vacherot sur les hommes et les choses de nos jours une trace quelconque de rancune. On sent qu’il prend à tâche d’être, s’il est possible, plus équitable encore envers ceux dont il aurait à se plaindre qu’envers les hommes dont les tendances ou les actes lui sont le plus sympathiques. Il en agit de même envers les institutions, et en particulier envers les institutions religieuses. Bien d’autres à sa place n’auraient su en parler qu’avec amertume. Il met une visible insistance au contraire à en faire ressortir la grandeur, les bienfaits, la nécessité relative. On peut, et nous demandons cette permission pour nous-même, beaucoup différer d’avis avec M. Vacherot sur les conclusions auxquelles il croit devoir s’arrêter ; il est impossible de ne pas aimer ce parfum de loyauté, de franchise, cet effort constant de rester impartial qui décèle, par son intensité même, la présence de la passion, mais de la passion contenue par l’amour de la justice. Quand on pense aux défaillances dont nous avons été les témoins attristés pendant tant d’années, on ne peut refuser sa sympathie à ceux qui sont ainsi restés debout, sans tache au milieu des souillures, sans peur au milieu des ruines. Il était donc d’avance très intéressant d’apprendre ce qu’un philosophe tel que M. Vacherot pensait du mouvement religieux de l’heure présente, et l’on pouvait bien prévoir que, fidèle à sa tournure d’esprit, il irait droit au fond du fond, c’est-à-dire au principe même de la religion dans la nature humaine.

N’était-on pas aussi jusqu’à un certain point en droit de prédire la conclusion à laquelle il aboutirait ? On savait que ses idées sur les grandes questions de philosophie religieuse ne s’étaient point modifiées. Or non-seulement M. Vacherot aime la métaphysique, mais encore il a le courage d’en avoir une à lui, une complète, à laquelle il tient, sinon pour les mêmes raisons, au moins du même amour confiant que le croyant à son dogme. Après tout, il n’y a pas de différence bien tranchée entre une métaphysique et une dogmatique, ou plutôt une dogmatique est ordinairement l’application plus ou moins inconsciente d’une métaphysique aux choses religieuses. Il est des terrains sur lesquels, avec un peu d’habitude, on n’a nulle peine à deviner le point d’arrivée quand on connaît le point de départ. Quand je lis, par exemple, le titre d’une nouvelle