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développer et de défendre l’orthodoxie, c’est-à-dire la croyance commune avec ses rites et son symbolisme. C’est donc au sein des petits collèges de prêtres, plus tard dans les grandes réunions sacerdotales et dans les conciles, que les formules de foi furent discutées et fixées. Aucune des autres classes de la société n’eût été dans aucun temps en état de soutenir de pareilles discussions, parce que la tradition, la science sacrée et les méthodes manquaient à la fois aux classes laïques. Elles furent donc, par leur condition morale et par la nature de leurs fonctions sociales, obligées d’accepter comme des vérités indiscutables les formules de foi émanant des collèges de prêtres et des conciles. J’ajoute qu’elles y trouvaient leur avantage.

Ainsi nous savons que les migrations aryennes, à mesure qu’elles s’éloignèrent de l’Asie centrale, perdirent le souvenir de leur ancienne patrie. Établies dans des contrées séparées les unes des autres par de vastes territoires, par des fleuves ; des montagnes et des mers, elles cessèrent de se connaître. Comme elles s’étaient quittées dans des temps où la foi commune ne possédait encore que ses formules les plus générales, et n’avait pas même une langue à elle pour exprimer les choses sacrées et les noms de la Divinité, il n’y avait point encore d’orthodoxie ; mais, quand elles se furent organisées politiquement chacune chez elle, les principes de science sacrée commencèrent à se développer dans des conditions variées et à des degrés inégaux. L’immense compréhension ou, comme nous disions plus haut, la plasticité de ces principes leur permit de s’approprier dans leurs conséquences à chacune des contrées occupées par des Aryas. Ainsi se formèrent autant de langues sacrées, de systèmes de rites, d’organisations sacerdotales, enfin d’orthodoxies, qu’il y eut de sociétés aryennes en Asie, en Europe et plus tard en Afrique et dans le Nouveau-Monde. Or la science a démontré et constate par des découvertes toujours nouvelles que ces sociétés se superposèrent à d’autres qui existaient auparavant, qu’elles subjuguèrent, qu’elles maintinrent dans un état d’abaissement, et avec lesquelles elles s’efforcèrent de ne pas se mêler, parce qu’elles étaient d’un autre sang. Le pays sur lequel nous avons à cet égard le plus de renseignemens est l’Inde. Lorsque les Aryas y descendirent par la vallée du Caboul, ils étaient peu nombreux, et leurs adversaires, de race inférieure, l’étaient beaucoup. L’orthodoxie, en s’y fondant sur un système de castes d’une solidité merveilleuse, mit le sacerdoce à une si grande distance des barbares asservis, que la pureté de la race aryenne dans ses castes supérieures fut préservée et n’a pas encore disparu. Toute cette dernière trouva donc un avantage à défendre un système protecteur sans lequel elle eût vu bientôt son sang se mêler et se perdre dans celui des « dasyous