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tion ou devenir un moyen d’immobilité. Il s’est retenu en faisant le pas décisif, et de leur côté les partis, sans nier absolument la valeur des concessions, sont allés droit tout d’abord aux restrictions; ils ont jugé les réformes constitutionnelles moins pour ce qu’elles étaient que pour ce qu’elles pouvaient laisser craindre. C’est le 2 août que le sénatus-consulte a fait son entrée au Luxembourg, introduit par M. Rouher, commenté par le nouveau garde des sceaux, M. Duvergier, qui en a exposé l’économie en jurisconsulte exercé, et depuis ce moment le sénat est tout entier à son œuvre, qu’il semble prendre fort au sérieux, qui a été l’objet de discussions aussi vives que prolongées dans les bureaux, puis dans la commission. C’est à peine si on vient de nommer le rapporteur, qui est le premier président de la cour de cassation, M. Devienne, Maintenant, à voir l’extension et la vivacité de ces débats préliminaires, à tenir compte de ce qu’exige de travail un rapport compliqué et délicat sur une pareille question, il devient difficile que le vote soit aussi prochain qu’on l’aurait cru. Le rapport ne pourra être fait avant quelques jours. Le 23 août a lieu la session des conseils-généraux, où vont se rendre beaucoup de sénateurs, et qui peut avoir une certaine gravité dans les circonstances actuelles, justement à cause des réformes qui s’accomplissent ou se préparent. Il n’y a donc guère de chances pour que le sénatus-consulte soit publiquement discuté et définitivement voté avant quelques semaines. Dès ce moment cependant, on a pu voir dans le sénat un phénomène assez curieux et assez semblable à ce qui s’est passé au corps législatif. La veille encore, on aurait certainement compté les réformateurs dans la vieille assemblée; le lendemain, le vent a soufflé, on se hâte sur la route du progrès, les amendemens les plus larges se multiplient : c’est le miracle de la multiplication des libéraux. à en restera toujours quelque chose. Désormais il est plus que vraisemblable que le sénatus-consulte, sous sa forme dernière, ne modifiera pas le projet du gouvernement dans un sens restrictif; il pourrait au contraire en étendre la mesure et la portée, si l’on en juge par l’impression qu’ont causée certaines propositions émanées des sénateurs eux-mêmes. Les amendemens de M. Bonjean ont cela de particulier qu’ils ne s’arrêtent pas aux demi-solutions, ils vont droit au but; s’ils étaient adoptés, ce serait le rétablissement pur et simple du régime parlementaire au moyen d’un partage égal des attributions législatives et constituantes entre les deux chambres, et, comme le sénat ne pourrait plus rester tel qu’il est, il se composerait à l’avenir par moitié de membres nommés par l’empereur et de membres élus par les conseils-généraux. Nous ne savons trop ce que produirait cette diversité d’origines dans une assemblée. C’est pour la première fois que ce système serait appliqué en France. Il est parfaitement certain toutefois que le sénat a besoin de se rajeunir, il le sent lui-même, et l’élection est un moyen indiqué. Telle est la logique de ces métamorphoses constitutionnelles. Les réformes appel-