Le 5 septembre 1868, je débarquais à Belgrade. J’avais visité la Slavonie, essayant de me faire une idée des difficultés où se sont débattus jusqu’ici dans l’empire des Habsbourg les Slaves du sud, serrés comme dans un étau entre le tenace pédantisme de la bureaucratie allemande et l’ambitieux orgueil des Magyars ; je venais voir maintenant ce qu’était la Serbie, et quel usage les Slaves y avaient fait de l’indépendance. J’avais lu ce que l’on a traduit des pesmas, ces beaux chants naïfs et sincères par lesquels s’est révélée à l’Occident l’âme même de la Serbie ; j’avais parcouru les annales de ce peuple vaillant et avisé qui avait bravé à lui seul, sous Kara-George, tout l’effort de la puissance turque, et qui plus tard, sous les Obrenovitch, avait su, grâce à son esprit de conduite, poursuivre sans nouvelle effusion de sang l’œuvre commencée par les armes. C’était donc avec un sentiment de respectueuse sympathie que je m’apprêtais à toucher enfin le sol de cette terre libre qui était le but et le terme de mon voyage ; c’était avec joie que, bien avant d’apercevoir les arbres à travers les maisons basses de Semlin, j’avais, depuis deux heures déjà, découvert à l’horizon, au-dessus de la plaine unie et du large fleuve sinueux, la haute colline qui porte Belgrade, la ceinture de tours qui la couronne, et
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Apparence
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LE
PRINCE MICHEL OBRENOVITCH
ET
L'AVENEMENT DU PRINCE MILAN
SOUVENIRS D'UN VOYAGE EN SERBIE.