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d’attirer l’attention des savans et des ingénieurs ; ceux-ci se sont de préférence attachés à perfectionner les machines à feu, dont le grand inventeur avait aussi pressenti les magnifiques applications. Le XVIIIe siècle s’occupa beaucoup de tirer parti des rayons du soleil ; mais on suivait une voie qui ne pouvait pas mener à un résultat industriel. On était surtout préoccupé de les concentrer sur un point unique, de façon à obtenir des effets calorifiques remarquables. C’étaient les fameux miroirs ardens d’Archimède, dont on cherchait à retrouver le secret. Buffon parvint de la sorte à enflammer une planche goudronnée à la distance de 50 mètres. C’était fort curieux, ce n’était que cela.

Tout autre fut la marche adoptée par Saussure dans ses expériences. Il mit au soleil des boîtes de sapin dont le couvercle était formé par une lame de verre, et s’aperçut qu’il s’accumulait dans ces boîtes des quantités considérables de chaleur. Il put faire monter la température intérieure de ces petites serres à 95 degrés, 110 degrés, et même, avec des précautions convenables, à 160 degrés. Ce phénomène, dont on démêlait alors assez mal la cause, est facile à expliquer aujourd’hui. Il y a dans le spectre solaire des rayons de diverse nature, calorifiques, lumineux, chimiques, et chaque espèce de rayons se comporte d’une manière différente en présence des corps transparens. Les uns traversent avec facilité une, deux, trois lames de verres successivement ; les autres, après avoir franchi la première, sont arrêtés à la seconde ou à la troisième. Il arrivait donc qu’une partie des rayons qui avaient pénétré dans la boîte de sapin de Saussure ne pouvait plus passer à travers le verre pour rayonner vers l’extérieur, et se trouvait emprisonnée derrière cette barrière diaphane ; c’étaient, pour employer une expression de M. Mouchot, des rayons pris au piège. On conçoit qu’un appareil basé sur ces principes permette d’échauffer de grandes surfaces de manière à réaliser des machines industrielles.

M. Mouchot poursuit ses recherches sur ce sujet avec une grande persévérance depuis plusieurs années, et il est curieux de suivre dans son livre le détail des essais auxquels il s’est livré. Avec un appareil très simple, une sorte de marmite à enveloppe de verre et un miroir de métal cylindrique employé comme réflecteur, il a renouvelé et varié sous notre latitude des expériences déjà faites avec succès par sir John Herschel au cap de Bonne-Espérance. Il a pu, entre autres, avec la seule chaleur du soleil, préparer un pot-au-feu, distiller du vin. Il est même parvenu à faire rôtir de la viande ; mais celle-ci contracta un goût désagréable et faisandé, dû à l’action des rayons chimiques du spectre solaire. Cet inconvénient disparut lorsqu’on eut intercepté ces rayons à l’aide d’une simple lame de verre rouge. Il y a là tout un ordre d’applications qui n’est nullement à dédaigner dans les pays méridionaux, généralement aussi bien doués sous le rapport de la chaleur que dépourvus de combustible. En Égypte et dans la plupart des contrées de l’Orient, où