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Des listes de présentation formées d’un côté par les tribunaux et les cours intéressés, de l’autre par des représentans élus des populations, et, pour le parquet de la cour de cassation, parmi les candidats présentés concurremment par elle et par le sénat ? Il serait bon d’jouter à ces garanties l’obligation pour le ministre de faire connaître à ces corps respectifs les motifs de la révocation du magistrat du parquet nommé sur leur présentation. À ces conditions, le ministère public ferait apparaître de nouveau ces individualités puissantes par leurs vertus et leur éloquence qui ont été l’orgueil des parquets de l’ancienne France.

Poussé par la légitime ambition d’assurer toutes les garanties possibles à la liberté et aux droits individuels, M. Prevost-Paradel a été amené à examiner quelques-unes des dispositions de la procédure criminelle. D’accord avec lui sur les principes, je suis obligé à quelques réserves dans d’application qu’il en fait. Entre toutes les procédures qui s’engagent devant les tribunaux, la procédure criminelle a une importance particulière. Deux personnalités frappent tout d’abord les regards, l’accusé, appelé à rendre compte devant la société, au sein de laquelle il n’est qu’un imperceptible atome, d’un crime qui lui est imputé, et le président des assises, organe de la justice sociale, pouvant prononcer l’acquittement, mais aussi armé du droit redoutable de punir.

L’accusé est obligé de garantir à la société la représentation de sa personne, et il fournit cette garantie soit par la prison préventive, soit, si les circonstances le permettent, par un cautionnement. En retour, la société est tenue de respecter la liberté morale de l’accusé, de lui laisser, de lui procurer même les moyens de préparer sa défense. L’accusé a donc le droit d’être pourvu d’un défenseur dès le début de la poursuite. Il faut qu’il puisse sans obstacle communiquer avec son conseil, se faire diriger par lui pendant l’instruction, cela est hors de doute ; mais faut-il que cette instruction soit publique ? Je n’y vois pas d’intérêt pour l’accusé, j’y vois plutôt un danger. S’il est relaxé par une ordonnance ou un arrêt de non-lieu, il se félicitera de n’avoir pas été, même pendant quelques jours, signalé à l’attention ; l’accusation sera connue en même temps que les motifs qui l’auront fait évanouir. Si au contraire l’accusé est appelé à comparaître devant la cour d’assises, une publicité antérieure n’aura pas enlevé au jury cette spontanéité d’impression qui doit être le caractère essentiel de son verdict. Ce que l’accusé, au nom de la liberté morale, au nom de sa dignité d’homme, a très certainement le droit de demander, c’est qu’on ne le torture point, pas plus moralement que physiquement, afin d’obtenir son aveu. Toute mesure de ce genre, habileté ou rigueur, doit