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déclarer que tous les malheurs, tous les échecs sont imputables aux gouvernails, seuls et. en rien aux gouvernés, c’est se montrer plus poli pour le peuple français que soucieux de lui dire toute la vérité. C’est sous cette même préoccupation que M. Prevost-Paradol attribue uniquement à des fautes de gouvernement le renversement du trône du roi Louis-Philippe et la proclamation de la république en 1848. Est-ce parce qu’un prince intelligent, animé du désir de maintenir la paix en Europe pour éviter à la France les périls et les hasards d’une guerre de coalition, cherchait à influer sur la politique extérieure de son gouvernement, est-ce parce qu’un ministère d’accord avec le roi et la majorité des chambres était au pouvoir depuis sept ans, est-ce parce que le corps électoral, trop restreint n’était plus en harmonie de sentimens et d’intérêts, avec le reste de la nation, est-ce enfin parce que la chambre des députés, par le trop grand nombre de fonctionnaires qui siégeaient sur ses bancs, n’était plus qu’un instrument docile entre les mains du pouvoir, que l’on peut expliquer et justifier la révolution de février et la mettre à la charge de ceux qui gouvernaient ? Non. Sans nier l’influence de ces causes, on peut affirmer qu’avec d’autres mœurs, un autre esprit public, une plus saine appréciation des droits et des devoirs politiques, cette révolution aurait pu être évitée. L’Angleterre n’a-t-elle point passé par les mêmes difficultés et par les mêmes épreuves ? Elle ne les a surmontées que grâce aux vertus que nous n’avons pas, et, sans recourir aux violences auxquelles nous faisons appel dès que nous rencontrons un obstacle ou un défaut de logique dans l’application des principes de notre constitution. Les règnes des George en Angleterre ne sont qu’une série de luttes entre la couronne et le parlement. Quant à ces longues administrations qui finissent par fatiguer l’attente des partis et les pousser à des résolutions violentes, ce n’est point par des périodes de sept et de dix ans qu’elles se mesurent ; Walpole a gouverné pendant dix-sept ans, William Pitt pendant vingt et un ans, et les Anglais, n’ont pas vu là des cas de révolution.

Un peuple qui aurait la passion de pousser sa fantaisie et son droit jusqu’à l’extrême me paraîtrait peu propre à pratiquer le régime libéral que je viens d’esquisser. Nous en avons fait l’expérience à deux époques solennelles de notre histoire contemporaine. En 1828, sous le ministère Martignac, une loi sur l’organisation municipale et départementale fut présentée. Elle témoignait des tendances libérales au cabinet ; mais elle ne réalisait pas toutes les espérances du parti victorieux dans les élections : on ne voulut pas se contenter de ce progrès relatif, et la loi fut repoussée. Ce fut pour Charles X le prétexte de dire et de croire que la majorité de la