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— Halifax, Sunderland, Oxford, Stanhope. — Robert Walpole ne fut longtemps auprès de lui qu’un fort petit seigneur, un aspirant politique sans science et sans talent oratoire. On a vu déjà que, dans l’espèce de conseil chargé de gouverner le pays jusqu’à l’arrivée de George Ier, Cowper fut admis de préférence à Marlborough et à Somers. Il était, surtout depuis la disgrâce de Marlborough, un des chefs du parti whig, un de ceux qui tenaient l’électeur de Hanovre au courant des affaires politiques anglaises. Dès 1710, une correspondance suivie s’était établie entre la princesse Caroline et sa femme, et il est bien permis de penser que cette correspondance était plutôt affaire d’état qu’affaire de sentiment. Si on l’eût conservée, on aurait sans doute là un intéressant document à consulter pour l’histoire de l’époque ; on est d’autant plus autorisé à le croire que la princesse manifesta quelquefois un certain souci à propos de quatre-vingts lettres d’elle dont sa dame d’honneur était nantie, et qui, si elles s’égaraient en des mains hostiles, lui semblaient de nature à devenir compromettantes. En ce temps de publicité restreinte, on avait une peur singulière de ces sortes de trahisons qui mettent à nu les pensées secrètes et révèlent les complots intimes. Notre époque est beaucoup mieux aguerrie aux révélations de tout ordre.

Cette lady Cowper, si avant dans les secrets de son époux, si directement associée aux menées politiques du parti whig, nous paraît être issue de bonne race jacobite. Son père, John Clavering de Chopwell, était un gentilhomme du comté de Durham, appartenant à la branche cadette des Clavering de Callalee et d’Axwell, lesquels figurent à plusieurs époques dans les prises d’armes royalistes, jusques et y compris le mouvement de 1715. Mary Clavering était belle, ainsi que l’atteste son portrait, gravé d’après sir Godfrey Kneller ; elle était spirituelle, ses souvenirs en font foi. Elle jouait remarquablement bien, nous dit-elle, de ce « clavecin » si cher aux mères de nos grands’mères ; enfin, née en 1685, elle foulait du pied la fleur de ses vingt ans lorsqu’un procès l’amena jusqu’au cabinet du garde des sceaux, lord Cowper, lequel était veuf. Il ne le fut pas longtemps après cette heureuse rencontre, et quelques mois à peine s’étaient écoulés quand un mariage secret unit l’aimable solliciteuse au magistrat dont elle était allée implorer les conseils. Garde des sceaux et mariage secret ne vont guère ensemble, n’est-il pas vrai ? Toujours est-il que les choses se passèrent ainsi, car on a une lettre de lord Cowper à sa seconde femme (20 décembre 1706), citée dans les Lives of chancellors de lord Campbell, où il lui annonce la déclaration prochaine de leur hymen, encore ignoré de lady Cowper, sa mère. Le journal de lady Mary nous apprend en outre qu’une beauté de très noble race,