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complices (lord Widdrington et lord Nairn, les comtes de Nithisdale, Wintoun, Carnwath, et le vicomte Kenmure). S’étant reconnus coupables et s’en remettant à la clémence royale, six d’entre eux furent immédiatement condamnés à mort. Le septième, lord Wintoun, voulut se justifier, et il fallut instruire séparément contre lui. On fit pour sauver les condamnés les démarches les plus actives, et bon nombre de whigs (parmi lesquels sir Richard Steele) inclinaient manifestement aux mesures de clémence. Il fallut tout l’ascendant de Walpole, à qui tant de sévérité devait répugner, pour maintenir le gouvernement dans la voie des rigueurs réputées nécessaires. Encore faillit-il échouer, et n’obtint-il qu’à une faible majorité de 7 voix la confirmation de l’arrêt primitif. Stanhope se conduisit noblement : pour sauver lord Nairn, son ami et camarade d’études, il alla jusqu’à mettre au jeu sa démission, que ses collègues n’osèrent jamais accepter. Un autre ministre, le comte de Nottingham, encouragé par cet exemple, prit en main devant la chambre haute la défense des condamnés. Ce fut pour le cabinet une grande surprise et un grand désarroi, d’autant que les lords, à la majorité de 5 voix, votèrent une pétition au roi, demandant sursis, et le sursis entraînait presque forcément commutation de la peine capitale. Il fallait bien accorder quelque attention à cette démarche d’un des grands corps de l’état. Outre lord Nairn, furent ajournés le comte de Carnwath (à qui la princesse de Galles s’intéressait vivement) et lord Widdrington, le parent de lady Cowper. En revanche, l’exécution des trois autres pairs fut décidée pour le lendemain. Dans la nuit, comme chacun sait, le comte de Nithisdale parvint à s’évader grâce au merveilleux dévoûment de sa femme. Bref, le 24 février 1716, deux têtes seulement tombèrent sous la hache du bourreau, celle de James Radcliffe, comte de Derwentwater, et celle de William Gordon, vicomte Kenmure. Tous deux se repentirent hautement de s’être reconnus coupables, tous deux offrirent à Dieu une fervente prière pour le prétendant.

Lord Wintoun, contre qui, nous l’avons dit, se suivait une procédure particulière, ne fut mis en cause que le 4 5 mars suivant. Bien qu’à peu près fou, — du moins passait-il pour en être là, — il déploya une étonnante adresse à faire naître toute sorte de difficultés, à créer des motifs d’ajournement, et bien qu’en somme après mille échappatoires il se vît condamner comme les autres, encore trouva-t-il moyen, — la sévérité dès lors se relâchant quelque peu, — de s’évader à l’instar de lord Nithisdale.

L’histoire rapporte que lord Cowper, impatienté par les continuelles défaites de ce dernier accusé, réfuta un jour dans des termes beaucoup trop acerbes les objections qu’il soulevait obstinément.