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LE CHRISTIANISME ET LE SPIRITUALISME.

contesté ses dogmes, il essaie de les relever, sous un autre nom, des coups qu’il leur a portés. « Non, dit-il en finissant, il n’est pas vrai que la théologie chrétienne explique ce que la philosophie n’expliquerait pas ; mais est-ce à dire que nous méconnaissons la grandeur et la beauté de la théologie chrétienne, et que nous ne voyons dans ses dogmes et dans ses rites que des fictions arbitraires et des superstitions ridicules ? Non, sans doute ; mais ses dogmes et ses cérémonies ne sont pour nous que de grands symboles, dont la valeur est précisément dans les vérités métaphysiques que ces cérémonies expriment et que ces dogmes recouvrent. » M. Janet passe alors en revue quelques-uns des dogmes chrétiens, le péché originel, l’incarnation, la rédemption, la Trinité, la grâce ; il les examine et les rapproche sous deux points de vue divers ; d’abord pris au pied de la lettre, ensuite entendus symboliquement, comme « de fortes et hardies expressions » des grandes vérités métaphysiques et morales que la philosophie reconnaît dans la nature et la vie humaine. Il commence ainsi par enlever aux dogmes leur réalité vivante, et il tente ensuite de leur rendre une valeur intellectuelle et figurée ; ce ne sont plus des croyances positives fondées sur des faits réels ; ce sont des images poétiques qui représentent certaines notions, certains instincts inhérens à l’humanité, et M. Janet conclut en disant : « En un mot, nous ne voulons pas sacrifier la philosophie au christianisme ; mais nous serons volontiers les premiers à reconnaître que le christianisme lui-même est une grande philosophie. »

En acceptant ainsi le christianisme comme « une grande philosophie, » M. Janet lui offre sincèrement, j’en suis convaincu, une transaction plausible ; le christianisme ne saurait s’en contenter. Sans doute il contient une philosophie, mais il est tout autre chose qu’une philosophie, c’est-à-dire une œuvre humaine, fruit.de la pensée, de l’imagination et de la science humaines : il est une œuvre divine, une révélation de Dieu à l’homme, l’histoire et le résultat des rapports directs et spéciaux de Dieu avec le genre humain. C’est à ce titre et par sa vertu surnaturelle que le christianisme a fait son apparition et son chemin en ce monde ; c’est à ce titre et par cette vertu qu’il doit s’y maintenir et poursuivre à travers les contestations des hommes sa laborieuse et progressive victoire.


IV.

Je passe du christianisme au spiritualisme. Je me trouve ici bien plus près de M. Janet que je ne l’ai été jusqu’à présent, pas si près pourtant que je le désirerais et qu’à mon sens cela devrait être. M. Janet adresse à mon spiritualisme chrétien des reproches que je ne crois pas mérités, et quant à ceux qu’à mon tour j’adresse à son