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disent ces lettres, caresser d’abord la vanité, pour en venir après à lui montrer que le succès de l’affaire lui serait personnellement profitable. Les Français ont en aversion notre ambassadeur, le comte de Stairs.

M. Robethon est venu chez le baron de Bernstorff, où nous dînions, et là, soit qu’il fuit légèrement pris de boisson, soit par le fait de son impertinence naturelle, il nous parut à tous littéralement insupportable. La princesse soutient que c’est au fond le meilleur homme du monde et fort acceptable quand il veut bien ne pas trancher du bel esprit. Elle m’a parlé de lui quelquefois en d’autres termes, et certain jour les a traités, lui et Bothmar, de francs coquins.

La comtesse de Buckenburgh prétendait l’autre jour, pendant une visite, que les femmes anglaises n’ont jamais les dehors des dames de qualité, qu’elles ont la mine basse et timide, l’air humble et craintif, tandis que les étrangères, portant haut et la poitrine en avant, se donnent une tournure majestueuse et semblent de meilleure race. — Madame, lui répondit aussitôt lady Deloraine, c’est notre naissance, ce sont nos titres qui nous font de qualité. Pour nous montrer telles, nous n’avons pas, Dieu merci ! à étaler notre gorge.

6 avril. — Le baron de Bernstorff m’a priée d’appeler l’attention de mylord sur cette partie du bill triennal relative à l’Ecosse, et qu’y a introduite lord Islay. — Il s’aperçoit, me dit-il, que le duc d’Argyle et lord Islay manœuvrent pour tirer la couverture à eux, d’abord en provoquant une amnistie générale, et aussi en accaparant la portion du bill triennal qui concerne l’Ecosse.

6 avril. — Je suis allée après le dîner chez sir Godfrey Kneller, afin d’y voir le portrait qu’il fait de mylord. Ce portrait est destiné à orner mon cabinet de toilette. Mylord y est représenté dans la même attitude que ce cher ami prenait si souvent lorsqu’il veillait à mon chevet pendant la grande maladie que j’ai faite.

14 avril. — Les débats sur l’abolition du triennal act ont commencé aujourd’hui. La princesse a voulu y assister. Sa santé est bonne. Je lui ai porté du lait caillé.

Nous avons appris ce matin que mon cousin Tom Forster, l’ex-général des rebelles, s’était échappé de Newgate. Le geôlier a été arrêté. D’après l’interrogatoire qu’il a subi devant le conseil, il paraît avoir été complice de cette heureuse évasion.

16 avril. — La princesse n’est point allée entendre la suite des débats. On m’apprend que lord Nottingham, récapitulant ce que mylord Cowper avait dit samedi dernier, en a fait le sujet des attaques les plus violentes et les moins parlementaires. Son frère et lord Trevor l’aidaient de leur mieux ; mais mylord a mené l’affaire contre tous les trois de manière ; A leur donner regret de l’avoir ainsi pris à partie.