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gracié, à l’exception du juge Hall et du curé Paul[1]. Le duc de Marlborough est fort malade ; il part cette semaine pour son château et de là pour Bath. Mistress Clayton prétend qu’il est demeuré étranger à tout ce qui s’est pratiqué ; les autres agissaient sans lui faire part d’aucune de leurs résolutions. J’aurais pu lui demander, cela étant, de m’expliquer les deux visites que mylord Cadogan a faites le même jour à Saint-AIbans ; mais je n’entends me mêler à tous ces imbroglios que si je ne puis faire autrement. Tout le monde est persuadé que la duchesse de Marlborough a reçu cinq mille livres sterling pour faire obtenir la pairie à lord Saint-John.

La princesse m’a parlé en termes fort durs de lord Townshend, dont les feintes caresses et l’hypocrisie la révoltent. Elle lui préfère lord Sunderland, qui a montré plus de franchise en lui avouant qu’il s’était prononcé contre le prince, qu’il tenait pour les restrictions, et à l’occasion les demanderait encore. Il avoue aussi avoir poussé à la destitution du duc d’Argyle, vis-à-vis duquel il aurait seulement voulu qu’on gardât plus de formes.

Selon moi (et je l’ai dit à ma maîtresse), c’est encore Robethon qui a le mieux expliqué cette destitution. Il dit que lord Townshend et l’autre secrétaire d’état avaient compté gouverner le prince par l’entremise d’Argyle, ce qui les avait poussés à parler de se démettre, s’il était renvoyé ; mais quand ils virent le roi bien décidé, craignant de perdre leurs places, ils se rangèrent avec les ennemis du duc, et le relancèrent avec un extrême acharnement.

Le roi paraît avoir dit à la princesse en M parlant des méfiances que le prince aurait, selon certaines gens, conçues contre lord Cowper : « Ces soupçons seraient bien mal placés, car le chancelier et le duc de Devonshire sont les deux seuls hommes de bien que j’aie encore rencontrés en ce pays. »

On obtiendra de la princesse qu’elle traite les ministres avec la civilité requise, mais je crois qu’elle aura peine à leur pardonner le passé. Je lui ai lu ce matin quelques poèmes de Mlle Deshoulières, entre autres choses, certains passages touchant Brutus, à la hauteur duquel, toute whig que je suis, il m’est impossible d’arriver. J’estime en effet que Brutus aurait dû ou rester fidèle à César ou refuser ses bienfaits. L’ingratitude dont il fit preuve ternit, selon moi, l’éclat de son patriotisme. Là-dessus une grande discussion s’est élevée entre ma maîtresse et moi.

16 juillet. — La duchesse de Roxburgh, tout en affirmant qu’elle n’approuve pas l’expulsion du duc d’Argyle, recommandait à la princesse de ne plus l’admettre auprès d’elle. — Pourquoi cela ?

  1. Le premier était juge de paix dans le Northumberland. Le second, William Paul, appartenait à l’église officielle. Tous deux, traînés sur la claie de Newgate à Tyburn, y furent effectivement exécutés pour haute trahison.