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lui a-t-il été répondu. Le roi lui permet de venir à la cour, et je regarderais le prince comme coupable d’ingratitude, s’il manquait aux gens qui ont souffert pour sa cause.

Je pourrais confondre lord Sunderland en rapportant ce qu’il a dit en plein conseil, à propos du duc d’Argyle, quand fut votée la clause qui substituait la guardianship à la régence ; mais je me suis fait une loi de ne rien ébruiter qui puisse contribuer à désunir les membres de l’administration. Peut-être un jour cette humeur pacifique me sera-t-elle imputée à crime.

M. Robethon (il en est formellement convenu avec moi), aurait voulu les restrictions tellement combinées que le prince ne les pût point accepter décemment, et comme je me récriais là-dessus, puisque personne en pareil cas n’aurait osé prendre la moindre initiative durant l’absence du roi : — Vous ne connaissez pas le prince, a repris Robethon. Donnez-lui le pouvoir, et vous le verrez faire place nette de tous les personnages qui agréent à son père ; vous le verrez dissoudre le parlement et en venir aux mesures les plus extrêmes. — Je ne puis attribuer ces extravagances qu’au désappointement de l’honnête secrétaire intime, frustré de sa pension de trois cents livres, laquelle lui a été promise, mais pas encore payée. Dès la matinée suivante, je crus devoir en entretenir la princesse à mots couverts, sans répéter aucun des propos qui m’avaient scandalisée. Deux jours après, le prince manda M. Robethon, lui remit un bon de trois cents livres, et lui promit la continuation régulière de cette faveur aussi longtemps qu’on aurait à se louer de ses bons services.

A peine le roi parti, le prince s’est appliqué à se montrer affable et courtois envers chacun. Il veut être en bons termes avec le cabinet, et se rendre exactement compte de la situation politique. Le duc de Roxburgh, qui avait compté que sa femme et sa cousine lui donneraient la haute main sur les affaires, fut fort déçu dans ses espérances. Le crédit de l’une et de l’autre dame avait considérablement baissé. Le bon archevêque et le chancelier ne songeaient qu’à bien ménager toute chose pendant l’absence du roi, et ne pouvaient atteindre ce but qu’en pacifiant de leur mieux les querelles de leurs collègues. Stanhope était parti en même temps que le roi. En fait d’Anglais, sa majesté n’a voulu que lui, Boscawen et le doyen d’Exetsr, ce dernier comme chapelain[1].

Le duc de Marlborough et ses amis ont un nouveau plan de campagne pour les prochaines sessions. Lord Townshend sera remercié (la duchesse de Munster m’en avait prévenue avant son départ). M. Methuen restera et aura les sceaux en l’absence de Stanhope.

  1. Hugh Boscawen (depuis lord Falmouth) était contrôleur de la liste civile. Lancelot Blackburn, doyen d’Exeter, passait pour avoir été pirate pendant sa jeunesse. C’était un grand ami de Robert Walpole. Il devint archevêque d’York en 1724.