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unique visée le prompt retour de sa majesté. Je ne sais si l’autre prit au sérieux ces belles paroles ; mais l’événement prouva combien elles étaient peu sincères. Le premier résultat des secrètes menées du gendre de Marlborough fut la disgrâce de Townshend, disgrâce honorablement déguisée par l’offre qui lui fut faite de la vice-royauté d’Irlande, laquelle tout d’abord il crut devoir refuser malgré les instances de Stanhope. Ce dernier devint alors peu à peu, avec Sunderland, le ministre dirigeant[1].

Le 28 octobre, nous quittâmes Hampton-Court. Les dames d’honneur revinrent par eau, sur la même barge que le prince et la princesse. Il faisait merveilleusement beau, et la traversée fut aussi agréable que possible. Rien ne pouvait donner une meilleure idée de la richesse et de la prospérité du royaume que les tableaux successivement déroulés devant nous. Le dimanche suivant, qui fut le 4 novembre, la princesse ressentit les premières douleurs de l’enfantement, sur quoi le conseil fut aussitôt réuni. On avait appelé une sage-femme de mine assez peu rassurante (car elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à l’envoyé de France), et sir David Hamilton devait opérer comme médecin assistant. Les dames de la suite insistaient pour qu’il délivrât lui-même la princesse, qui ne voulut jamais en entendre parler. Le conseil tint séance toute la nuit ; mais aucun symptôme décisif ne se manifesta. Le mardi, la princesse eut un accès de frissons très violens et très persistans. Sauf les Allemands, tout le monde prit peur. Le conseil envoya chercher Mme de Buckenburgh, et la chargea de dire au prince qu’on le suppliait de faire accoucher la princesse par sir David Hamilton. Cette requête lui déplut, et je fus stupéfaite, le mercredi matin, de voir le sens dessus dessous que causait cette ; grande affaire. La sage-femme avait formellement refusé ses soins, à moins que leurs altesses ne s’engageassent à la soutenir contre « les grandes dames anglaises, » qui, prétendait-elle, avaient menacé de la faire pendre, si les choses tournaient mal. Ceci mit le prince dans une telle colère qu’il parlait tout uniment de « jeter par les fenêtres » quiconque avait tenu de pareils propos, et prétendrait s’ingérer dans ses affaires privées. Les duchesses de Saint-Albans et de Bolton, que le hasard amenait tout à propos dans la chambre où il tenait ce rude langage, reçurent directement L’apostrophe. À l’instant même, tout

  1. Il était resté, de tous ces revirement ministériels, de toutes ces intrigues menées à la fois en Hanovre et en Angleterre, quelques soupçons sur la sincérité de Stanhope. Lord Mahon, héritier du nom, a voulu justifier son ancêtre, et cette apologie, pour laquelle il lui a fallu entrer dans les détails les plus compliqués, est un des morceaux les plus curieux de son très remarquable ouvrage sur l’histoire de ce temps-là. — Voyez le chapitre VII de l’History of England, etc.