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Un des grands artifices de Walpole, pour s’assurer l’appui de la princesse, a été de l’engager dans les spéculations de la Mer du Sud. Il fit acheter des actions par leurs altesses le matin même du grand débat, et pesa par ce moyen sur les votes de plusieurs membres. Tout cela finit à la longue par se savoir, et il en résulte des rancunes, des inimitiés, des jalousies.

Un message royal demande aujourd’hui même aux communes l’autorisation nécessaire pour qu’on puisse ériger en compagnies les bubbles d’Onslow et de Chetwynd. Il y est dit formellement que le commerce désire cette organisation, et que les créateurs de ces deux affaires offrent de verser les six cent mille livres sterling devant servir à l’extinction des dettes contractées par le roi.

Le prince dit à ce sujet : — J’espère bien qu’on fera de même lorsque je serai sur le trône. — Mais alors que sert de fixer le chiffre de la liste civile ?

Le duc de Wharton a perdu de grosses sommes à Newmarket. On parle de treize mille livres sterling.

5 mai. — Walpole a été singulièrement malmené par Shippen dans le débat auquel ont donné lieu les expédiens inventés pour se procurer de l’argent. Shippen est connu pour un parfait honnête homme, quoique tory. Son discours était fort éloquent, et de plus il avait raison, ce qui ne gâte jamais rien. Une fois que les ministres auront enlevé le vote financier qui tient si fort au cœur du roi, ils ne garderont plus de ménagemens vis-à-vis de leurs altesses royales, pour peu que celles-ci ne marchent pas absolument dans leurs voies.

Vendredi. — Walpole a présenté aujourd’hui même à la chambre des communes une adresse par laquelle les représentans du pays remercient le roi du soin qu’il a pris relativement aux compagnies d’assurance. En d’autres termes, on lui rend grâce d’avoir inventé une rubrique nouvelle pour nous prendre notre argent. Une flatterie tout à fait digne du règne de Tibère !

Samedi. — Bernstorff est venu. Il couvre comme il peut son ignorance de ce qui se passe, en disant qu’il n’a pas voulu savoir. Il prétend que la plupart des promesses faites ne seront pas tenues, attendu que les ministres n’ont pas osé communiquer au roi les engagemens pris en son nom. Il dit aussi qu’ils sollicitent son assistance, — à lui Bernstorff, — pour empêcher le roi de partir, mais qu’il ne compte pas s’en mêler. Bien qu’il soit tant soit peu rasséréné, on devine tout ce que lui laisse d’amertume sa condition présente, celle d’un homme prudent et sage que toute son habileté n’a pu sauver d’une disgrâce imméritée, et qui se voit abandonné par son vieux maître après de longs et fidèles services ; encore