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et appliquées, et enfin, durant les trois dernières années, les sciences morales et philosophiques. Pour ces différentes branches d’études, J’ai eu d’ans mes classes des jeunes filles aussi bien que des jeunes gens, et je n’ai remarqué entre les uns et les autres aucune différence. les deux sexes ont une part égale parmi les forts élèves et parmi les faibles. Je ne veux pas affirmer par là qu’il n’existe aucune différence normale entre l’intelligence des femmes et celle des hommes : je croîs que la nature leur a donné des tendances ou des aptitudes différentes ? Je veux dire seulement que toutes les fois que les uns et les autres ont appliqué leur esprit aux études du même ordre, ils l’ont fait avec un succès égal. Les uns et les autres ont la même aptitude pour comprendre et pour exprimer le vrai. Dernièrement, à l’université du Michigan, j’assistais à une leçon de grec. On expliquait Thucydide. C’était la fille du professeur de grec qui tenait la classe, et, je puis le dire, avec une supériorité dont j’aurais été étonné, si je n’avais eu souvent à constater le même fait dans d’autres établissemens. » — A ceux qui craindraient pour les jeunes filles, en raison de la faiblesse de leur constitution, les résultats du travail sérieux qu’exigent des études supérieures, on fera observer que les cas de maladie ou de mortalité pour les élèves du sexe féminin ne sont pas plus communs que pour les jeunes gens. Parmi les élèves gradués des deux sexes depuis trente-quatre ans, il y a eu pour les hommes 1 mort sur 9 1/2, pour les femmes 1 sur 12.

Poursuivons la série des objections. Les deux sexes n’ayant point à remplir dans le monde les mêmes fonctions, n’est-il pas nécessaire de leur donner une éducation différente et de faire suivre à chacun d’eux le genre d’études plus particulièrement conforme à sa destinée future ? Oui sans doute, si les collèges avaient pour but de donner une éducation professionnelle et de préparer pour telle ou telle carrière spéciale ; mais l’enseignement littéraire et scientifique. embrasse des études générales, préparant les élèves à toutes les professions que l’avenir leur réserve. Il ne contient aucun élément qui ne soit de nature à orner l’esprit, à élever l’intelligence, à former le cœur. De cette éducation commune, les élèves de chaque sexe sauront bien tirer les conséquences qui leur conviendront et approprier à leur usage les connaissances qu’ils auront acquises. Assis à la même table et partageant la même nourriture, les jeunes gens et les jeunes filles conservent néanmoins leur constitution propre, soumise à- des lors différentes. La nourriture de l’esprit est comme celle du corps : elle produit sur les deux sexes des effets différens, chacun d’eux en profite à sa manière et selon ses besoins. On aura beau rendre entre les deux sexes l’éducation parfaitement identique, jamais elle ne fera d’une femme un homme ni d’un homme une femme.