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dont chacun surveille l’une des branches particulières du service. Hâtons-nous de dire que ces fonctions délicates et pénibles, exigeant de la part de ceux qui les exercent beaucoup de temps et d’étude, ne sont aucunement rétribuées. Des hommes instruits et riches se font un point d’honneur de servir la chose publique sans charger le budget.

Il serait inutile d’appuyer sur les attributions de chaque comité. Je me propose seulement de donner une idée générale du mécanisme en vertu duquel fonctionne ce libre gouvernement des villes. La tenue et la vérification des comptes tiennent une grande place dans toutes les municipalités ; mais, comme la ville de Liverpool possède en terrains et en maisons une valeur de 75 millions de francs, le comité chargé d’administrer ses biens et ses finances (finance and state committee) exerce évidemment un ministère très étendu et très important. Un autre comité est préposé à la surveillance de la ville (watch). Il s’occupe des moyens de prévenir et d’éteindre les incendies, fait exécuter la loi sur les poids et mesures, préside à l’éclairage des rues. Cette dernière fonction n’est point insignifiante, car en 1868 la ville de Liverpool possédait 6,105 becs de gaz, et les frais d’éclairage montaient à plus de 21,367 livres sterling[1]. Le même comité règle le mouvement des omnibus et des voitures publiques, fait visiter les boutiques suspectes où, sous le nom de marine store dealers, des brocanteurs recèlent trop souvent les objets volés dans le port, choisit parmi les candidats aux diverses fonctions de police. Sa juridiction s’étend en un mot sur tout le service de sûreté publique. Il n’est pas très facile d’entretenir l’ordre dans une ville où affluent les émigrans et les marins étrangers, où surtout des Irlandais et des Welches vivent au jour le jour d’un gain improvisé par le hasard. Les archives de la police et de la justice témoignent pourtant que les crimes et les délits n’excèdent point la proportion ordinaire. Liverpool est même la seule ville du royaume-uni dans laquelle on ait réussi à exercer une surveillance efficace sur les repris de justice ou forçats ayant obtenu un congé plus ou moins révocable, ticket-of-leave-men.

Le comité chargé de la salubrité publique (health committee) a, depuis une trentaine d’années, une terrible lutte à soutenir contre divers fléaux. Liverpool passait avec raison, il y a quarante ans, pour la ville la plus malsaine de toute l’Angleterre[2]. Les causes de l’effrayante mortalité qui décimait les habitans étaient faciles à découvrir. La situation de la ville, exposée aux brises de mer, n’avait par elle-même rien d’insalubre ; mais une nombreuse population

  1. On calculait qu’en 1869 la ville serait éclairée par 6,525 becs de gaz.
  2. A Londres, la grande métropole encombrée d’habitans et chargée de misères, la moyenne de la vie était alors de vingt-six ans et demi, tandis qu’elle n’était que de dix-sept ans à Liverpool.