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avait voulu faire des cellules d’attente un lieu spécialement destiné à la pendaison, on n’aurait pas mieux réussi. Le plafond, qu’un homme de taille moyenne atteint aisément avec la main, est composé de barres de fer auxquelles il est très facile d’attacher une cravate et de se suspendre : un détenu serait étranglé et mort avant que le surveillant de garde ait pu s’en douter. C’est là une erreur de construction qui a été et qui peut devenir encore préjudiciable ; la place ne manque point pour donner à ces cabines une élévation suffisante et ne plus permettre qu’elles soient le théâtre de suicides, comme elles l’ont déjà été.

Lorsqu’on a traversé le vestibule où battent les portes de la salle d’attente, on pénètre dans la prison même par le guichet central, qui est le rond-point. La disposition raisonnée de tout l’édifice apparaît tout entière ; le système cellulaire livre son secret d’un seul coup, et il ne faut qu’un regard pour s’en rendre compte. Qu’on se figure un éventail ouvert ; le bouton est représenté par une salle circulaire au milieu de laquelle s’élève une rotonde vitrée ; les branches sont formées par six vastes galeries hautes de 12m50, larges de 3m50 et longues de 80 mètres. Ces six énormes couloirs aboutissent dans la salle du rond-point. C’est très triste, très froid, très grandiose. — Les galeries ont trois étages y compris le rez-de-chaussée ; elles contiennent 1,200 cellules et peuvent renfermer 1,150 détenus. Les cellules ont une uniformité monacale. Les dimensions en sont absolument pareilles : longueur 3m60, largeur 1m95, hauteur 2m85 ; — capacité totale : 20 mètres cubes. Au fond, une fenêtre fixe ouverte dans la partie supérieure d’un vasistas que le détenu peut manœuvrer lui-même à l’aide d’une tringlette de fer ; au milieu, une petite table scellée dans la paroi de pierre ; à côté, une chaise de paille rattachée au mur par une chaîne de fer assez longue pour permettre de déplacer le siège à volonté, trop courte pour donner au prisonnier la possibilité de s’en faire une arme ; puis, de chaque côté de la muraille, deux crochets de fer où l’on suspend pour la nuit le hamac, composé d’une sangle, d’un matelas, d’un drap, d’une couverture en été, de deux couvertures en hiver, voilà ce qu’on aperçoit dans la cellule ; pendant le jour, la literie roulée est placée sur une planche triangulaire disposée à cet effet. Une autre planche formant étagère supporte les objets usuels du détenu, sa gamelle, son gobelet, sa cuillère de bois, une sorte de tasse qu’on nomme un geigneux et qui sert de crachoir. Un bidon en fer-blanc pouvant contenir huit litres d’eau est mis chaque matin à la disposition du prévenu ; dans un angle s’élève un siège de bois solide ; il est destiné à des usages qu’on peut deviner. Les murailles sont peintes de ce jaune clair qu’on pourrait appeler le jaune administratif, car il n’est point d’établissement