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Si l’organisme peut être facilement ébranlé en effet, les variations qu’il éprouve, même partielles, ne sont jamais entièrement isolées ; toutes les parties les ressentent. Il s’établit entre les organes une correspondance nécessaire par suite de la corrélation de croissance. Il n’est pas toujours facile de se rendre compte de la nature de ces effets de corrélation. Suivant M. Darwin, il existe un rapport constant entre la coloration de la tête et celle des membres ; les chevaux et les chiens qui portent sur le front des taches d’une autre teinte que le fond de la robe ont aussi les extrémités des jambes marquées de la même couleur. Chez les hommes, une exubérance extraordinaire du système pileux a quelquefois amené une dentition imparfaite ou surabondante. Il existe une corrélation certaine entre la couleur du pelage et celle de l’iris ; mais il est plus singulier de signaler l’existence d’un rapport entre la coloration des yeux et la surdité : il paraîtrait en effet que les chats blancs à iris bleu sont presque constamment sourds. A côté de la variabilité corrélative, on peut placer encore la variabilité analogique, qui montre des diversités de même nature se produisant chez des êtres éloignés ; c’est ainsi qu’on remarque des arbres à rameaux pleureurs dans des groupes bien différens. Tous ces changemens et bien d’autres dépendent de l’organisme ; c’est lui qui donne l’impulsion que l’hérédité prolonge en l’accélérant. La puissance de celle-ci, une fois en jeu, ne connaît pas de limites ; elle peut tout transmettre, les caractères physiques les plus saillans, les plus légers ou les plus accidentels, aussi bien que les instincts et les particularités de mémoire, d’intelligence, et jusqu’aux habitudes les plus futiles.

On pourrait écrire des volumes à cet égard ; les races de chiens, de chevaux, de bétail, si complètement transformées par l’homme, celles de divers oiseaux qu’il a façonnés, en sont des preuves irrécusables. Si l’on s’attache à l’homme lui-même, l’étonnement redouble ; certains gestes habituels, des tics bizarres, se transmettent en dehors même de la fréquentation des parens qui les possèdent ; certains genres de mémoire, celle des noms et des dates par exemple, se trouvent l’apanage commun de toute une famille ; il en est de même des dispositions mentales, de celle au suicide même, dont il serait aisé de citer des exemples frappans. La goutte, l’apoplexie, la phthisie, sont évidemment héréditaires et se montrent bien souvent chez les fils au même âge que chez le père. On a même vu quelquefois des anomalies de conformation dans les mains et les pieds, et jusqu’à des marques superficielles, comme des cicatrices, reparaître chez les enfans de ceux qui les présentaient et acquérir ainsi une sorte de permanence. On pourrait à la rigueur trouver dans ces faits une explication des difformités caractéristiques qui existent normalement chez beaucoup d’animaux sauvages, comme