Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/673

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas renouvelées, les grains s’amoindriraient ; elles perdraient jusqu’à la vertu germinative, si on voulait les soumettre à se féconder toujours entre elles.

La consanguinité, telle qu’elle est pratiquée chez les animaux domestiques, n’existe pas chez l’homme ; que ce soit par un instinct supérieur des inconvéniens qu’elle entraîne ou par l’effet d’un sentiment moral conservateur des lois de la famille, un préjugé irrésistible a fait partout repousser ces sortes d’unions, flétries du nom d’inceste et proscrites jusque dans les sociétés humaines les plus dégradées. Les mariages entre frère et sœur ont été pourtant quelquefois en usage, et nos traditions religieuses elles-mêmes les admettent, au moins à l’origine. La fable d’Œdipe nous montre avec quelle horreur on regardait chez les Grecs les rapports entre parens et enfans ; quelques récits de la Bible sembleraient, il est vrai, impliquer des idées moins répulsives ; ils se rattachent pourtant Il des circonstances exceptionnelles et présentent une singularité qui prouve combien les faits qu’ils relatent étaient en opposition avec les habitudes contemporaines. Les prohibitions encore maintenues par l’église comme par la loi affirment la persistance de l’opinion contraire à la consanguinité.

Le croisement au contraire active la fécondité et communique aux êtres vivans une énergie particulière. Les végétaux eux-mêmes en ressentent les effets bienfaisans ; les moyens les plus complexes et les plus ingénieux sont employés par la nature pour arriver à ses fins. Sans parler des plantes dont les sexes sont séparés sur des pieds différens, beaucoup de fleurs sont construites de telle façon que leur propre pollen ne saurait les rendre fertiles. Le contact de celui-ci leur est même quelquefois nuisible. Dans la plupart des orchidées, le concours des insectes est nécessaire pour la fécondation. Les avantages du croisement paraissent donc incontestables. Il existe cependant une limite à cet accroissement de la fécondité par le croisement, et cette limite est celle où commence l’hybridité. Si l’intervalle qui sépare les races s’élargit au-delà d’une certaine limite, il arrive un moment où la fécondité réciproque devient difficile, s’arrête même, à moins qu’on ne parvienne à l’obtenir artificiellement ; c’est alors de l’hybridité. Sur cette question de l’hybridité, il est nécessaire d’entrer dans quelques explications, car c’est le nœud même de la doctrine transformiste. On peut soutenir d’abord que les races sont fécondes entre elles parce qu’elles appartiennent à la même espèce, tandis que les espèces distinctes sont stériles à raison même de cette distinction ; mais ici la différence spécifique que l’on invoque se trouve justement basée sur l’observation même du fait qui sert à l’établir : c’est donc une vraie pétition de principe. Du reste la stérilité des hybrides n’est ni absolue ni permanente ; elle présente bien des