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Chargée, appelle deux indigènes qui se trouvaient dans la maison, et s’élance dans la direction de la route au bord de laquelle l’animal s’était montré ; le domestique suivait avec des munitions. On ne vit d’abord rien ; mais au bout de quelques minutes un léger bruit dans les feuilles attira l’attention des indigènes, et bientôt se montra sur une branche élevée un gros corps velu, au poil roux, et une large face noire. L’orang regardait en bas, comme étonné du bruit qui se faisait au pied de l’arbre. M. Wallace tira, et l’animal disparut dans le feuillage sans qu’on pût savoir s’il avait été atteint. Il se mit alors à sauter d’arbre en arbre avec une grande agilité et presque sans bruit, poursuivi par les Dayaks, pendant que M. Wallace rechargeait sa carabine. Le taillis était rempli de fragmens de roches éboulées de la montagne voisine, et les plantes grimpantes y formaient un fouillis inextricable où l’on eut toutes les peines du monde à se frayer une route. Le singe en haut, les hommes en bas, on déboucha finalement sur le chemin des mines. L’orang fit alors mine de revenir en arrière, il reçut successivement quatre balles ; mais il était difficile de l’ajuster, car, tout en marchant, il se dissimulait derrière les grosses branches. Une fois il se découvrit complètement en passant d’un arbre à l’autre, et l’on put voir qu’il était d’une taille exceptionnelle. Une de ses jambes pendait, elle était évidemment cassée ; néanmoins il se hissa au faîte des branches et essaya de s’installer dans un creux où il eût été difficile de l’atteindre. Un nouveau coup de feu lui fit quitter cette positron ; il descendit sur un arbre moins élevé et s’y pelotonna pour mourir. Les Dayaks n’osèrent aller couper la branche qui lui donnait asile ; ils n’étaient pas rassurés sur l’état de l’animal. On eut beau secouer l’arbre et faire du bruit autour, l’orang ne bougeait pas. Des ouvriers chinois étaient occupés dans le voisinage ; l’un des indigènes en alla quérir deux avec des haches, pour abattre l’arbre où se tenait le singe. Pendant ce temps, un Dayak prit courage et se mit à grimper ; l’orang n’attendit pas qu’il fut près de lui, on le vit déguerpir et se cacher dans l’épais feuillage d’un arbre voisin. Ce dernier fut bientôt coupé par les deux Chinois, qui venaient d’arriver ; mais les plantes parasites le retenaient si bien qu’à peine se penchait-il lorsqu’il fut détaché du sol ; pour le faire tomber, il eût fallu abattre encore une demi-douzaine d’arbres tout autour, et le jour baissait déjà. Les chasseurs se mirent alors à tirer de toute leur force le lacis de plantes, afin d’ébranler la cachette du singe. Enfin ce dernier tomba lourdement, avec un grand bruit. C’était un individu de la grande espèce appelée maias pappan. Le tronc de ce singe est aussi développé que celui d’un homme, les jambes étant relativement courtes, Le maias qui venait d’être abattu avait les deux jambes cassées, ainsi que l’articulation d’une cuisse et la naissance de l’épine