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liberté politique, car là est la république effective, et des trois ou quatre manières de constituer le pouvoir exécutif, toutes, y compris le parlementarisme, pourront avoir leur moment. L’avenir peut-être les essaiera toutes, mais on peut dès à présent affirmer que le règne de Léopold Ier a tenu à la Belgique tout ce que la république promet.


Il est difficile qu’on ait lu les pages précédentes sans se reporter aux circonstances au milieu desquelles elles se publient, sans faire l’application des idées qui viennent d’être exprimées à la situation nouvelle de notre France. Pour elle vient de renaître la grande, l’éternelle question qui s’est posée en 89, celle qu’avaient espéré résoudre les Lafayette et les Mirabeau, et que leurs arrière-neveux agitent encore avec anxiété : « La France sera-t-elle libre ? »

Toute l’expérience de plus des trois quarts d’un siècle semble n’avoir servi qu’à manifester la difficulté du problème, et les revers de deux ou trois générations successives dans la plus noble des entreprises ont pu frapper les plus fermes esprits d’une consciencieuse intimidation, — crainte salutaire, si, au lieu d’engendrer le doute sur d’immortelles vérités, elle ne fait qu’inspirer une juste idée de la grandeur de l’œuvre si tristement commencée, et du courage qu’il faut pour l’achever ; car, on n’en saurait douter, le moment est venu de la reprendre ; tout annonce qu’un jour nouveau s’est levé.

Les vents agitent l’air d’heureux frémissemens.
La rive au loin gémit, blanchissante d’écume,


et la révolution française s’est réveillée d’un trop long sommeil.

On osait à peine l’espérer lorsqu’il y a près d’un an cet essai a été écrit, et je n’y change rien en le relisant sur l’épreuve. Il me semble qu’on y verra mieux quel grand changement s’est opéré parmi nous. L’an passé, quelle que fût notre foi obstinée dans l’avenir, nous ne pouvions en écrivant fermer les yeux sur le présent, ignorer que les principes de la liberté politique, méconnus par les lois, étaient reniés dans le monde officiel, et que tout exemple emprunté aux institutions anglaises, américaines ou belges, était rejeté avec un dédain superbe par les organes du pouvoir. Une loi singulièrement ingénue avait gravé sur la porte de l’édifice constitutionnel l’inscription de Dante : « Entrez et laissez là toute espérance. » Et voilà que ce qu’il était interdit de discuter est dénoncé d’une part, et de l’autre abandonné comme un ancien régime. Il a suffi que la France fît un mouvement, qu’une partie seulement