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de la représentation nationale élevât la voix, pour qu’avec une promptitude louable le pouvoir, unique souverain jusqu’ici, cédât au vœu public, et donnât le signal d’une réforme à la fois nécessaire et inattendue. Ce n’est qu’un signal en effet ; mais il sera suivi de la réalité, ou nous serions indignes de ce retour de fortune. Les théories du césarisme administratif et du gouvernement personnel ne se retrouvent plus que dans les vaines plaintes des pleureurs du pouvoir absolu, et les saines doctrines libérales sont remises en honneur jusque dans les rangs de leurs récens adversaires. On nous promet un nouvel empire. C’est donc en réalité le problème fondamental de la révolution française qui nous est encore une fois donné à résoudre. Nos jeunes contemporains seront-ils plus heureux que leurs pères ? La sagesse et la fermeté leur seront-elles départies dans les proportions nécessaires au succès ? Dans la région du pouvoir, est-ce à des Mirabeau ou à des Malouet que sera confiée la tâche de faire triompher la politique qui ne fut jamais pratiquée parmi nous, celle des réformes sans révolution ? L’expérience, qui l’a couronnée chez nos voisins, n’a fait pour elle en France que condamner invariablement la politique contraire. L’épreuve est donc nouvelle, et la meilleure inspiration peut, surtout quand elle est tardive, échouer dans l’exécution, si elle n’est suivie avec une habileté constante, avec courage, avec franchise. Il ne suffit pas de jeter en avant quelques paroles de bonne espérance, de faire décréter quelques principes, et puis de se croiser les bras comme si tout était terminé. Il faut des faits qui répondent aux promesses, une conduite qui se conforme aux idées, des hommes enfin qui acceptent et réalisent résolument toutes les conséquences d’un programme qui ne doit pas rester une lettre morte, si l’on veut accomplir ce grand et difficile ouvrage, la stabilité dans la liberté.


CHARLES DE REMUSAT.