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votaient en corps, conformément à un mandat impératif, et les décisions de la majorité ne liaient pas la minorité : c’était l’application stricte du principe de l’individualisme et du liberum veto. Cette organisation politique rendant toute action prompte et énergique du pouvoir impossible, les souverains furent amenés à imposer leur volonté aux diètes provinciales, comme en France et en Espagne. En Hollande, en Suisse, l’ancien système prévalut, et on commença même par l’adopter aux États-Unis ; mais là on comprit bientôt qu’en face des nations qui, comme l’Angleterre, avaient inauguré un régime plus concentré, où la volonté de la majorité fait loi, l’ancienne organisation, ne constituant qu’une alliance d’états indépendans, était trop faible pour subsister et se défendre, et l’on arriva au régime fédéral encore en vigueur maintenant. Si l’on veut que la nation ne soit pas exposée constamment à tomber en dissolution, il faut qu’il y ait un pouvoir disposant de la force collective de toutes les provinces, un parlement fédéral dont les décisions, dans le cercle de sa compétence, soient partout obéies, une armée, une diplomatie, une monnaie, une douane, un budget communs, des fonctionnaires fédéraux répandus partout et chargés de faire rentrer les revenus et respecter les volontés de la nation. En Suisse comme en Amérique, on a senti qu’il était nécessaire de fortifier le lien fédéral et le pouvoir central, afin d’éviter la nécessité d’employer la force, comme lors du Sonderbund ou de la guerre de sécession aux États-Unis. En Autriche également, pourvu que la liberté soit garantie et l’autonomie provinciale respectée, il ne faudrait pas marchander à l’autorité fédérale la part d’action dont elle a besoin pour subsister et se défendre. Aux affaires que la Suisse, par exemple, a reconnues comme étant d’intérêt général, il conviendrait d’en ajouter quelques autres de nature à cimenter l’union, surtout l’instruction primaire, parce que la diffusion des lumières est pour l’empire une question de vie ou de mort. Qu’on se pénètre bien de cette vérité, plus précaire et périlleuse est la situation d’un peuple, plus il a besoin de suite et de force dans le gouvernement.

La réforme la plus urgente est celle de la représentation nationale. Actuellement le parlement se compose d’une chambre basse dont les membres, au nombre de 203, sont nommés par les diètes provinciales, et d’une chambre haute dont le recrutement s’opère par le choix de l’empereur. Ce qui est vicieux surtout, c’est le mode d’élection pour les diètes : il est extrêmement compliqué, souvent bizarre et presque toujours combiné de manière à favoriser la noblesse ou la race dominante. Tout le monde réclame un changement. Le ministre de l’intérieur, M. Giskra, qui comprend parfaitement les exigences des sociétés modernes, vient d’adresser aux diètes