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Ainsi comprise, la question se simplifie et perd beaucoup de l’importance que lui donne la vivacité du débat plus que la nature des choses. L’intérêt producteur et l’intérêt consommateur étant ramenés à leur juste mesure, il se trouve que le principal intéressé est celui dont on s’occupe le moins aujourd’hui, c’est-à-dire le trésor public. La question de liberté et de protection s’efface : il reste une question d’impôt. La suppression des douanes serait une mesure injustifiable. Les produits étrangers doivent acquitter un droit d’entrée ; le taux de ce droit, le même pour toutes les marchandises, quelle qu’en soit la nature, devrait être établi ad valorem. Cependant, pour éviter les contestations et simplifier le service, on pourrait spécifier le droit par nature de produits, en le calculant sur le prix moyen. Quel devrait être le taux général du droit ? C’est une question délicate qui ne pourrait probablement être résolue que par l’expérience et le tâtonnement. Dans tous les cas, ce droit ne devrait pas s’éloigner beaucoup de 10 pour 100, moyenne proposée par Bastiat. À ce taux, le droit, insensible pour la consommation, donnerait au trésor un beau revenu.

Telles sont les conclusions qui semblent ressortir d’une étude attentive de la question. Du reste, on ne saurait trop le répéter, c’est ici affaire d’expérience, non de théorie. On a pu remarquer, dans les débats du corps législatif sur la liberté commerciale que chacun des champions apportait à la tribune ses chiffres personnels, et que, l’exactitude de ces chiffres une fois admise, chacun se trouvait avoir raison. Par malheur, tous ces chiffres étaient contradictoires, en sorte que, manquant d’une base commune, la discussion n’a été qu’un brillant tournoi de paroles sans conclusion pratique. Il y a là évidemment un point obscur qui doit être éclairci tout d’abord. Il faut qu’on soit fixé sur les faits et les chiffres ; il faut qu’on sache où est l’erreur, où est la vérité. On a suggéré au corps législatif un moyen excellent pour atteindre ce but : c’est une enquête sérieuse et approfondie sur l’état de l’industrie et les effets du traité de commerce, non pas une enquête purement administrative, qui inspirerait toujours une certaine défiance aux intéressés, mais une enquête dirigée par une commission composée de personnes appartenant à toutes les opinions. L’exactitude des résultats ainsi obtenus serait hors de contestation ; ils fourniraient aux futures discussions un terrain solide et à la question une solution non-seulement satisfaisante, mais encore, ce qui est autrement précieux, universellement comprise et acceptée.


L. Alby.