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les difficultés, les embarras d’une vie compliquée de mille passions, de mille intérêts ? Est-ce en France seulement qu’on a de la peine à se frayer un chemin, à former des majorités et des ministères ? Il y a sans doute des pays assez anciens dans la pratique des institutions libres ou assez heureux pour échapper à ce qu’il y a de plus périlleux dans ces épreuves. C’est une chose curieuse cependant, presque partout aujourd’hui éclatent de ces malaises qui sont l’expression sensible du mouvement des peuples. Les grandes questions européennes ont l’air de sommeiller, les questions intérieures s’agitent un peu dans tous les pays. L’Autriche a son insurrection dalmate et ses antagonismes intérieurs, qui font la vie dure au ministère. Le cabinet de Berlin a fort à faire pour tracer la limite entre la confédération du nord et la vieille autonomie prussienne, et en définitive il tend de plus en plus chaque jour à absorber la confédération dans l’ancienne Prusse. Il obéit à la fatalité de la conquête, il a laissé passer le moment de faire l’Allemagne, il fait la Prusse ; il assimile, il efface les démarcations, non sans rencontrer parfois des résistances. La Bavière sort à peine d’une crise qui n’est même pas complètement terminée.

Il y a eu récemment des élections en Bavière, et ces élections très animées, singulièrement disputées, ont donné un certain avantage au parti qu’on affuble du nom d’ultramontain, quoique ce nom ne signifie absolument rien, et qui est en réalité le parti autonomiste, le parti de l’indépendance bavaroise vis-à-vis de la Prusse. — C’est ce parti qui a obtenu dans les élections, non pas une victoire bien significative ; mais quelques voix de majorité. C’était un échec pour le ministère, qui représente une nuance plus libérale, plus allemande, et qui n’avait d’ailleurs rien négligé pour vaincre dans la lutte, — qui avait cru pouvoir, lui aussi, pratiquer le remaniement des circonscriptions électorales… La difficulté pour le cabinet du prince de Hohenlohe était de trouver une majorité dans ces nouvelles conditions parlementaires. Il devait en résulter et il en est résulté immédiatement une crise ministérielle ; mais comment former un cabinet dans la situation difficile et complexe où est la Bavière ? Un ministère progressiste, composé de nationaux-libéraux partisans de la Prusse, eût ressemblé à un défi jeté à l’opinion qui venait de se manifester dans les élections, et eût été d’ailleurs une combinaison peu politique. Un ministère autonomiste, porté au pouvoir par le dernier mouvement électoral, eût exposé la Bavière à de sérieux embarras en compliquant ses relations avec Berlin, outre que ce ministère se serait nécessairement ressenti dans sa marche des tendances réactionnaires du parti dont il aurait été l’expression victorieuse. Le plus sage était d’éviter ces moyens extrêmes, de se borner à une modification partielle du cabinet, en appelant au pouvoir quelques hommes concilians et modérés faits pour tempérer les antagonismes violens des partis. On s’est arrêté à cette combinaison, à cette