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l’application la plus sincère des règles parlementaires, c’est la pleine et entière liberté laissée par le roi aux hommes publics pour arriver à une combinaison. Voilà certes un modèle de souverain constitutionnel. Il ne cherche pas à éluder un vote de parlement. S’il a des préférences et des opinions, il ne les impose pas ; il cède même à des exigences peut-être un peu dures en se séparant d’hommes investis de charges de cour en qui il avait mis sa confiance. Il n’empêche rien. De cette façon, la responsabilité appartient tout entière aux partis, à ceux qui les représentent, nullement à ce roi galant homme qui ne se croit pas diminué parce qu’il n’est point un autocrate, qui fait de son pouvoir le premier garant de la liberté de tous.

Au commencement de cette crise italienne, on a pu se demander ce qui allait arriver. Le ministère ainsi frappé se reconstituerait-il encore une fois et essaierait-il d’en appeler au pays ? Aurait-on recours au contraire à une combinaison entièrement nouvelle ? Le ministère Ménabréa aurait pu sans doute jouer cette partie d’une dissolution du parlement ; C’était par malheur une tentative assez dangereuse dans la situation compromise où il se trouvait et après toute sorte de modifications partielles qui se sont succédé depuis deux ans. Les journaux satiriques de Florence s’amusaient à représenter le général Ménabréa en Barbe-Bleue devant une hécatombe de ministres de l’intérieur, de la justice et des travaux publics. D’un autre côté, M. Cambray-Digny, malgré tout ce qu’il a fait pour les financés italiennes, peut-être à cause de cela, s’est attiré des inimitiés nombreuses et ardentes. Dissoudre le parlement dans ces conditions, C’était risquer de tout envenimer, de tout pousser à l’extrême. Il ne restait donc plus que la ressource d’une combinaison nouvelle entièrement distincte, et le premier appelé pour former un ministère a été naturellement M. Lanza, dont l’élection à la présidence de la chambre avait précipité la crise. M. Lanza est un Piémontais de la vieille race, simple de mœurs et de caractère, ancien ministre avec M. de Cavour, ayant une autorité sérieuse dans le parlement ; il semblait l’homme de la situation. Sa pensée obstinée, invariable, en arrivant au pouvoir et en cherchant des collègues, était d’introduire de larges économies dans les finances et de faire principalement porter ces économies sur l’armée et sur la marine. En principe c’était fort bien, tout le monde était d’accord. Quand on est arrivé aux détails, il n’y a plus eu moyen de s’entendre, et M. Lanza s’est vu dans l’impossibilité de réussir à faire un cabinet. On a eu recours alors au général Cialdini, qui n’a pas encore été ministre, et qui après quelques négociations n’a pas été plus heureux que M. Lanza. Enfin le dernier appelé a été M. Quintino Sella, homme jeune encore, esprit énergique et actif, qui a déjà été ministre des travaux publics et ministre des finances. C’est pour la première fois que M. Sella est appelé à former un cabinet, et il n’a voulu rien faire sans s’être entendu d’abord avec M. Lanza, avec quelques hommes tels que M. Visconti Venosta