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térêt local même dans les contrées les plus accidentées qui menaçaient d’être à jamais privées de ce puissant élément de prospérité et de richesse.


III.

Si la magnifique route ouverte par Fabroni, si le chemin Fell, ont été pour la traversée du Mont-Cenis un immense progrès, celui qui résultera du percement aujourd’hui en cours d’exécution sera bien plus considérable encore. Nous ne reviendrons pas sur les circonstances qui ont amené le gouvernement italien à entreprendre ce gigantesque travail, et qui ont été exposées dans la Revue d’une manière si complète et si intéressante[1]; nous nous bornerons à décrire l’état présent des travaux et à exposer en peu de mots les procédés employés pour surmonter les difficultés que devait présenter une œuvre aussi colossale. C’est en 1857 que M. de Cavour s’entendit avec la compagnie du Victor-Emmanuel pour le percement du Mont-Cenis ou plutôt du Mont-Tabor, montagne contiguë à la première. D’après les conventions, les travaux devaient être exécutés aux frais et sous la direction du gouvernement italien; mais la compagnie devait y contribuer pour une somme de 20 millions. Après l’annexion de la Savoie, en 1862, la compagnie du Victor-Emmanuel fut démembrée; la partie française fut incorporée dans le réseau de Paris-Lyon-Méditerranée, tandis que la partie italienne, d’abord restée indépendante, fut, par nous ne savons quelle combinaison financière, fusionnée avec le réseau calabro-sicilien, dont elle eut à subir les vicissitudes. À ce moment, le gouvernement italien, qui d’abord était seul chargé de l’entreprise, demanda la coopération du gouvernement français. Celui-ci fit estimer ce que coûterait le percement par les procédés ordinaires; ce chiffre s’élevait à 3,500,000 fr. par kilomètre, et l’opération devait durer vingt-quatre ans. Le gouvernement français accepta de payer la moitié de cette somme et d’ajouter une subvention de 300,000 francs par année gagnée sur les vingt-quatre ans, de 500,000 francs par année gagnée sur quatorze ans. D’après les évaluations qu’on peut faire aujourd’hui, la dépense totale sera de 75 millions, dans laquelle le gouvernement français entrera pour 26 ou 27 millions.

La plus sérieuse difficulté étant incontestablement la longueur du tunnel à percer, on a dû, pour raccourcir celle-ci le plus possible, établir l’ouverture aussi haut dans la montagne que le permettaient

  1. Voyez la Revue du 15 février 1865, Il Traforo delle AIpi, par M. Hudry-Menos.