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ce chiffre et 2,600,000 balles. Les forces productives des États-Unis, on le voit, n’étaient rien moins qu’éteintes, et l’entrain réfléchi des spéculateurs yankees avait triomphé des conditions les moins favorables aux entreprises agricoles, de la misère et du découragement des propriétaires du sol, du régime militaire qui prévalait dans l’administration, de la paresse et des prétentions exagérées des travailleurs noirs.

La récolte qui est en ce moment sur pied promet des résultats plus brillans encore. « Malgré les légitimes plaintes causées par le froid et la sécheresse, par la rouille et les chenilles, le rendement général, d’après les évaluations les plus modestes, ne sera pas inférieur à 3 millions de balles. » Cette assurance, contenue dans le Report of the department of agriculture, se retrouve dans toutes les informations, soit officielles, soit particulières, qui arrivent des lieux de production. La superficie du terrain cultivé en coton a augmenté depuis l’année dernière de 18 pour 100, et tout fait présager que la quantité de coton récoltée aux États-Unis, après être restée stationnaire depuis la fin de la guerre et la reprise des travaux agricoles, va prendre un développement continu. L’introduction des coulies chinois inaugure en effet pour les plantations du sud une ère nouvelle.

« On est convaincu au Texas et ici, écrivait-on de l’Arkansas au gouvernement américain au mois d’août 1869, que l’an prochain les noirs refuseront de travailler à la journée. Nous n’en avons aucun regret, tout au contraire, car cette manière d’agir adoptée par les nègres justifiera la convention passée par nos planteurs entre eux d’employer dorénavant le plus grand nombre de coulies possible. » Ce qui se passe dans l’Arkansas se passe dans tous les états à coton, et les services rendus par les coulies inspirent la plus grande confiance dans l’avenir. De tous côtés on entend affirmer que d’ici à trois ans les récoltes américaines atteindront 5 millions de balles. Cela ne fait un doute pour personne de l’autre côté de l’Atlantique, l’émulation pour la culture du coton y est très vive. Jusque-là, tout irait bien, et l’Angleterre n’aurait qu’à se réjouir; mais voici d’autres faits qui doivent lui inspirer de pénibles réflexions. Parallèlement aux accroissemens des récoltes de matière première marchent les progrès de l’industrie destinée à la transformer en étoffes. Le sentiment national s’en mêle; on veut avoir des filatures, des tissages, ne plus dépendre de personne, et même disputer pied à pied au commerce européen les divers marchés du monde. Une lettre qui nous a été adressée vers le milieu de septembre 1869 par un Américain des plus clairvoyans et des plus autorisés en ces matières est très explicite là-dessus. « Non-seulement, s’écrie notre