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avec San-Francisco ; mais son éloignement de la mer l’a réduite de bonne heure à une infériorité dont elle ne pourra se relever. Nous y passâmes une mauvaise nuit. Il faisait horriblement chaud, et l’hôtel qu’on nous avait indiqué comme le meilleur de l’endroit était mal tenu. Sous prétexte que la maison était remplie de monde, on nous mit à quatre dans une étroite chambre, et on ne s’occupa plus autrement de nous. Pour être bien traité dans les hôtels américains, il faut y être connu ou avoir des recommandations spéciales pour le propriétaire. C’est une épreuve que j’ai faite dans la plupart des villes où je me suis arrêté ; à New-York notamment, on m’avait assuré qu’il n’y avait de libre qu’une chambre au cinquième étage, mais l’intervention d’un ami, connu à l’hôtel, me valut, sans autre difficulté, une grande et belle chambre au second. A Sacramento, on savait que nous étions des overland-passengers, et que nous devions partir le lendemain ; nous étions des inconnus, il n’y avait aucun avantage à se gêner avec nous, et l’on ne se gêna nullement. Nous fîmes un mauvais souper et un mauvais déjeuner. L’eau qu’on nous donna était jaunâtre et avait un goût désagréable. Sur nos réclamations, le garçon nous répondit qu’il n’y avait pas d’autre eau dans la ville, et que les personnes qui ne l’aimaient pas avaient pour habitude de prendre du vin.

Mes souvenirs de Sacramento se bornent à ces détails. Je crains qu’ils ne rendent pas justice à la grande et opulente ville, capitale de l’état, siège d’une cour suprême de justice, patrie de Judah, Stanford, Huntington, Crocker, et autres instigateurs du chemin du Pacifique. Il faut s’en prendre à l’accueil que nous y trouvâmes, et qui contrasta désagréablement avec nos impressions encore fraîches de l’hospitalier séjour de San-Francisco.


VI

Les noms des nouvelles villes et stations que traverse le chemin de fer du Pacifique sont aujourd’hui encore peu connus aux États-Unis et entièrement ignorés en Europe. La liste de ces noms, dont la plupart sonnent étrangement à l’oreille française, est longue. Afin d’éviter la confusion qui pourrait naître de l’agglomération de mots nouveaux formant en quelque sorte l’échafaudage de mon récit, je crois utile de le faire précéder d’un aperçu général de la ligne que j’ai parcourue. Le lecteur qui voudra bien me suivre pourra ainsi s’orienter plus facilement et retrouver dans la suite la position exacte de telle ville ou station qui lui semblerait mériter une attention particulière.

Le chemin de fer national du Pacifique se subdivise, comme je