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encadrant la voie partout où des amoncellemens de neige étaient à craindre. Les galeries ont été élevées dans les endroits où le tracé côtoie un des versans de la montagne ; elles se composent de toits en pente qui, solidement appuyés d’un côté à la montagne même et s’abaissant de l’autre à l’aide de poteaux en bois, rétablissent en quelque façon la forme naturelle des versans de la sierra. Les neiges glisseront ainsi au-dessus de la voie sans la toucher. La construction de ces galeries a exigé un grand déploiement de force pour les mettre à même de résister aux chocs violens qui dans la saison des avalanches ne manqueront pas de les assaillir, et aussi de supporter impunément les masses énormes qui, pendant l’hiver, tomberont sur elles. Les hangars surplombent les sections du parcours qui n’ont rien à craindre des avalanches, mais qui ont toutefois besoin d’être protégées contre la tombée de la neige et contre les amas que le vent pourrait y accumuler. Bien qu’ils n’aient pas à offrir autant de résistance que les galeries, ces abris n’en sont pas moins bâtis avec soin, et tout laisse à penser que l’épreuve de l’hiver prochain en démontrera la complète efficacité. En attendant, la commission officielle de surveillance n’y a trouvé rien à reprendre, et la construction de cette partie difficile et coûteuse de la voie a été jugée parfaite. L’ensemble des galeries et hangars, s’ils se succédaient sans discontinuité, formerait une longueur de 50 kilomètres.

Les tunnels ouverts sur cette section du Pacifique sont au nombre de quinze. Il y en a dix percés dans le roc, et qu’il a été inutile de voûter ; les cinq autres, creusés par des travaux d’excavation à travers des masses de granit mou et de pierres conglomérées, ont été étayés à l’intérieur par des massifs de maçonnerie. La commission d’examen a décidé qu’une somme de 852,500 francs devait être encore affectée à ce genre de travaux, afin de leur donner la solidité nécessaire. On éprouve, en traversant pendant des heures entières cette longue succession de tunnels, galeries et hangars, une impression singulière. Sous l’influence du demi-jour qui règne sous les abris-neige, la grandeur de l’œuvre accomplie par les ingénieurs du Pacifique saute pour ainsi dire aux yeux. Dans les courts espaces ménagés à l’air libre, l’œil est ébloui par l’étincelante lumière réfléchie par les neiges des cimes environnantes, qui se dressent comme autant d’obstacles infranchissables sur le passage. Çà et là, le regard plonge dans de noires profondeurs ; le lac Donner apparaît dormant au milieu des glaces comme dans un bassin de marbre, le pin californien s’élève droit et fier sur les flancs de la montagne ; mais on n’aperçoit nulle trace de vie animale. Un silence solennel qui oppresse l’âme règne partout. À de longs intervalles, on rencontre des