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astres en profondeur, sans plus les considérer que comme de simples clous dorés attachés à une sphère de rayon invariable.

Il faut se représenter un rayon lumineux arrivant des profondeurs du soleil ; il se dépouille en route de toutes les vibrations que peuvent retenir les atomes matériels ; il faut croire que cet appauvrissement se fait surtout dans les régions externes de la photosphère, où se pressent un nombre considérable de corps simples ; le rayon qui en émerge n’a plus grand’chose à perdre dans la chromosphère, puisqu’il n’y rencontre guère que de l’hydrogène. Si la surface de la photosphère était calme, si elle n’avait ni bas-fonds ni montagnes mobiles, si l’enveloppe hydrogénée avait une épaisseur invariable, le spectre solaire et le spectre de la chromosphère auraient toujours également la même figure, rien ne troublerait l’épaisseur, le nombre des raies ou brillantes ou obscures ; mais une observation attentive a démontré récemment que rien n’est plus capricieux que ces fines rayures tracées par la lumière. Les raies noires de Fraunhofer peuvent grossir, enfler, devenir nuageuses ; elles peuvent aussi se border tout d’un coup de points brillans, devenir elles-mêmes tout à fait brillantes. Jamais on n’eût soupçonné autrefois un tel phénomène. Il a fallu qu’on observât les raies pendant des heures, des journées, des mois entiers, avec des instrumens d’une puissance nouvelle, pour découvrir une certaine mobilité, une sorte de vie dans cette délicate étoffe lumineuse qui se voit dans le spectroscope. Ces altérations, dont l’étude est seulement commencée, tiennent à des variations perpétuelles dans le milieu absorbant que traverse la lumière émanée du foyer solaire avant de se précipiter dans le vide infini. La hauteur, la densité, la pression, la nature chimique peut-être des couches absorbantes varient sans cesse, et par momens ces variations deviennent tout à fait extraordinaires. On pourrait comparer la lumière à un corps qui passe par des tamis tantôt plus fins, tantôt plus grossiers.

On aurait pu prévoir une partie des phénomènes que je viens de décrire, si l’on avait plus tôt cherché une liaison entre le spectre solaire et le phénomène depuis si longtemps connu des taches solaires. Il est évident aujourd’hui que les taches ont une liaison intime avec l’état, non-seulement de la photosphère, mais encore de la chromosphère. Cette liaison n’est pas encore bien connue, et les physiciens qui la recherchent, M. Lockyear, le père Secchi, accumulent les observations sans qu’il soit permis d’en tirer dès à présent une théorie générale à l’abri de toute contestation. Les proéminences sont des vagues puissantes de la chromosphère, causées par des coursais ascendans énergiques ; mais que faut-il penser des taches ? Quand on regarde au spectroscope une région solaire occupée par