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intéressée, et que ce serait un peu revenir aux pratiques du moyen âge que d’agir autrement. On comprend combien dans cette disposition d’esprit ils ont pu être surpris et choqués de la déclaration de M. Lowe, qui, non-seulement parle de prélever un droit sur la monnaie, droit modéré comme celui qui existe en Europe, mais propose de le porter sur-le-champ à son maximum, à 1 pour 100, en invoquant les exemples de l’Australie, de l’Inde et des États-Unis et en s’appuyant sur une théorie de plus-value qui a paru très contestable. Aussi de tous les côtés est-il arrivé des réclamations ; il n’y a pas en ce moment de l’autre côté du détroit de question économique qui soit plus discutée que celle-là, et on peut dire que jusqu’à ce jour les adversaires du système du chancelier de l’échiquier sont plus nombreux que ses défenseurs.


I

On dit d’abord, et ce sont les moins hostiles qui parlent ainsi : Nous voulons admettre la théorie de la plus-value, nous reconnaissons en principe que le métal monnayé a plus d’avantages que le lingot, que par suite il doit avoir plus de valeur ; mais cet effet n’est pas toujours immédiat, il ne le sera pas surtout dans un pays qui était accoutumé à ne recevoir la monnaie que pour sa valeur intrinsèque, il lui faudra le temps de s’habituer au droit nouveau et de le prendre en considération dans les échanges ; de plus il en est de la monnaie comme de toute chose ; elle aura son prix de revient et son prix commercial, l’un comprenant la valeur de la matière première plus les frais de fabrication, l’autre dépendant de sa valeur vénale eu égard à l’état du marché et aux rapports de l’offre et de la demande. Il n’est donc pas sûr qu’à tous les momens le prix commercial soit identique au prix de revient. S’il ne l’est pas, si la monnaie, devenant plus abondante que les besoins, s’entasse improductive dans les caisses des banques, comme nous le voyons aujourd’hui, on ne la prendra peut-être point, en raison de cette trop grande abondance, au prix de fabrication, et si on ne la prend pas pour ce prix, il y a trouble dans les relations, les créanciers sont frustrés, ils ne reçoivent pas ce qu’ils ont prêté, ce qu’ils ont le droit d’attendre. Il peut arriver encore, — ce sont toujours les adversaires de M. Lowe qui parlent, — que les métaux précieux pris en général, abstraction faite de toute main d’œuvre, aient moins de valeur à une époque qu’à une autre. Si vous rencontrez de ces momens au milieu de votre réforme, et que le public s’aperçoive qu’il ne peut plus acheter avec les nouveaux souverains les mêmes choses qu’avec les anciens, il n’ira pas chercher dans la science économique les raisons de cette