Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 84.djvu/745

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

registrar l’acte contenant les modifications apportées au capital social et indiquant le montant du capital nouveau, le nombre des actions et le montant de chacune d’elles. Dès lors la responsabilité de la société est limitée au nouveau capital moyennant l’observation de la condition suivante : la compagnie, pendant un temps que les règlemens du board of trade déterminent, devra dans toutes les occasions ajouter à son titre de « société limitée » (limited) les mots suivans : a et réduite » (and reduced). On voit par cet exemple quels sont les rapports que l’administration gouvernementale entretient en Angleterre avec les compagnies anonymes et la nature des précautions qu’elle croit devoir prendre pour prévenir les abus. Le board of trade et ses employés n’interviennent que pour jouer un rôle complètement passif ; ils n’ont qu’à inscrire les résolutions votées dans les formes légales par l’assemblée des actionnaires, et à faire observer les délais et publications réglementaires ; ils n’ont aucune approbation, ni même aucun avis à exprimer. Quant aux tiers, la loi ne se charge pas de les protéger ; elle a pris soin seulement de rendre leur contrôle facile par les conditions de publicité qu’elle exige ; l’état s’est suffisamment acquitté de sa fonction sociale, s’il a mis les particuliers en situation de voir clair dans les affaires qui les concernent. Il y a longtemps que le mot a été écrit : les lois ne secourent que ceux qui veillent. Un système de législation qui aurait la prétention exorbitante de venir en aide à ceux qui dorment ne ferait que favoriser l’engourdissement général et arrêter l’essor matériel et intellectuel du pays.

Si les sociétés anonymes ont en Angleterre la faculté de réduire leur capital primitif sans qu’aucune exception, aucune limite soit apportée à ce pouvoir, on conçoit qu’elles jouissent des libertés d’une moindre importance. Le gouvernement ou ses employés ne peuvent exercer un veto sur les votes d’une compagnie que dans quelques cas peu nombreux. C’est ainsi que, pour changer de raison sociale ou de siège social, une compagnie anonyme a besoin, non-seulement d’une résolution spéciale, votée par l’assemblée générale des actionnaires, mais encore de l’approbation du ministère du commerce. Ces deux cas ne constituent pas une dérogation aux principes d’abstention que le parlement d’Angleterre a adoptés vis-à-vis des sociétés anonymes. Il s’agit en effet ici, non pas de limiter la liberté de leurs spéculations ou de contrôler leur gestion, mais seulement d’empêcher qu’en changeant de nom et de siège, elles ne parviennent à se dérober par une voie détournée à leurs obligations.

Nous avons dit que, sans prendre fait et cause pour les actionnaires et sans avoir la prétention d’ériger l’état en tuteur officiel de leurs intérêts, le parlement avait inventé un système ingénieux, de