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facultative offrant des garanties incontestables d’impartialité, armée de moyens spéciaux pour découvrir et constater la situation vraie des compagnies.

Il y a bien quelques lacunes à signaler dans cette œuvre récente du gouvernement italien. S’écartant sur ce point du modèle qui lui était donné par la législation anglaise, il n’a établi aucune sanction pénale pour prévenir les abus de demandes d’inspection. Tandis qu’en Angleterre le board of trade met tous les frais que l’inspection a nécessités à la charge soit des requérans, soit de la compagnie suivant les torts respectifs, en Italie c’est toujours le budget qui doit supporter les dépenses en pareil cas. Cela n’est pas juste assurément, mais c’est la conséquence nécessaire de la manière dont s’est opérée la réforme que nous examinons : un décret n’a pas, comme une loi, la faculté d’établir des pénalités. Quoi qu’il en soit, le système ingénieux inventé par M. Minghetti mérite d’être étudié et peut-être d’être imité. Il affranchit les sociétés anonymes de leur ancien vasselage envers l’état, situation qui était aussi gênante et aussi compromettante pour celui-ci que pour celles-là, et il les soumet désormais à une sorte de tutelle de famille, toute de bienveillance, — una tutela benevola e quasi domestica.


III

Jetons maintenant un coup d’œil autour de nous et sur notre propre législation. Ce n’est pas un examen détaillé, c’est un simple et court rapprochement que nous avons l’intention de faire. Ce qui frappe au premier abord, c’est une sorte de contradiction entre les principes et les faits. La loi du 24 juillet 1867 a supprimé la nécessité de l’autorisation gouvernementale pour la fondation des sociétés anonymes dans l’avenir ; mais en même temps cette loi a décidé que les sociétés, anonymes existantes continueraient à être soumises pendant toute leur durée aux dispositions qui les régissaient. Ainsi nous ne sommes qu’à moitié sortis de l’ornière ; les compagnies nouvelles, celles qui ont moins de deux ans d’âge, sont complètement affranchies de toute tutelle administrative ; les anciennes restent dans leurs liens primitifs ; toute modification de leurs statuts est soumise à un décret impérial. Nous flottons entre le nouvel et l’ancien état de choses ; tout en reconnaissant en principe que la législation du code de commerce est surannée, inefficace, nuisible même, tout en la condamnant et la repoussant pour les sociétés qui pourraient se fonder à l’avenir, nous la retenons pour les sociétés déjà existantes. C’est là une de ces anomalies qui proviennent de l’esprit de demi-mesure. On ne s’est que trop aperçu cependant,