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Il n’en est pas moins vrai que, dans un pays qui possède deux religions nationales, le système de l’éducation officielle et obligatoire présente de sérieuses difficultés. Quelle place l’état y fera-t-il à l’église ? La religion sera-t-elle tenue à l’écart de l’école, et si elle y a ses entrées, comment concilier entre elles les prétentions des deux confessions rivales ? Comment accorder les exigences de l’une et de l’autre avec les droits de l’état ?

Le système qui semblerait à la fois le plus logique et le plus libéral, qui est en effet recommandé par les libéraux, consisterait à donner à l’école un caractère essentiellement laïque. L’état professerait le principe que, dans une nation où les sujets sont appelés à être des citoyens, où l’esprit public doit prendre la place de l’obéissance servile, une certaine instruction générale est un objet de première nécessité. La loi obligerait tous les enfans à fréquenter l’école jusqu’à l’âge de quatorze ans, et dans cette école ils recevraient un enseignement primaire sans couleur confessionnelle ; ils apprendraient à connaître leur pays, sa géographie, son histoire, et cette morale universelle qui est commune ou supérieure à toutes les confessions. Catholiques ou protestans, la Prusse, par l’intermédiaire du maître d’école, ferait de tous ses enfans des Prussiens aussi raisonnables et aussi honnêtes que possible, des Allemands du XIXe siècle. Quant à l’enseignement religieux, les libéraux ne demandent pas, ce qui pourtant serait conforme au principe, qu’il soit simplement facultatif, et que sur ce point l’état s’en rapporte à la liberté des pères de famille, aux décisions de leur conscience. Ils estiment que cet enseignement doit être obligatoire comme le reste et se donner dans le local de l’école ; ils demandent seulement qu’on le mette à part, qu’on le distingue soigneusement des études communes à tous, et que ce soit la seule branche de l’instruction populaire qui dépende du clergé et soit soumise à son inspection. Bref, pour nous servir de leur langage, ils désirent que l’école prussienne soit une école non-confessionnelle, où les enfans de toute confession acquièrent les notions techniques et les idées morales qui leur sont nécessaires à tous, quelles que soient leurs croyances ; mais ils désirent aussi que cette école soit hospitalière pour tous les cultes, et que chaque confession soit invitée à y venir enseigner son catéchisme particulier.

Ce système aurait quelque chance d’être agréé d’une partie des catholiques prussiens à la condition que les libéraux se joignissent à eux pour réclamer du pouvoir l’absolue liberté d’enseignement, et cette prétention nous paraît légitime. « Que l’état, disent les catholiques, établisse à nos frais communs des écoles officielles où l’enseignement religieux soit considéré comme une sorte d’appendice ou de luxe, nous y consentons ; mais veuille, remarquer qu’un grand