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du littoral, où sa population est concentrée, et ses dépendances de l’ouest, qui ont besoin de circuler sur les deux grands fleuves dont elles possèdent les sources et presque tout le cours. Ces trois états sont nécessairement condamnés aux derniers efforts pour s’assurer la liberté de ces passages.

Les Guaranis, qui composent l’immense majorité de la population paraguayenne, sont les descendans d’une race indienne qui paraît avoir joué autrefois un rôle important dans ces contrées et s’être étendue sur un espace de territoire beaucoup plus vaste que celui où elle est aujourd’hui concentrée. Nous avons déjà dit que l’on trouve en nombre considérable des débris de cette population dans les états argentins de Corrientès et de l’Entre-Rios, où sa langue est encore très répandue ; nous pouvons ajouter qu’il en est de même dans une grande partie du Brésil, où, par exemple, la plupart des noms de lieux qui n’ont pas été changés par les Portugais sont encore des noms guaranis, témoignage irrécusable de la présence et du séjour de ce peuple. C’est une race à la fois brave, douce et docile, dont l’assujettissement ou la réduction, comme on disait aux siècles derniers, ne semble pas avoir coûté de grands efforts aux missionnaires ni aux conquistadores. Ceux-ci d’ailleurs ne se montrèrent pas au Paraguay les mauvais maîtres qu’ils furent en d’autres pays, et puis ils y furent toujours très peu nombreux. Les premiers explorateurs avaient cependant commencé par faire grand bruit de leurs découvertes ; ils en avaient même si bien vanté l’importance que, pendant quelques années, le gouvernement métropolitain crut devoir transporter à l’Assomption le siège de la vice-royauté, d’abord fixé à Buenos-Ayres. Le motif de cette résolution, c’était l’espoir que l’on avait conçu de trouver par le Paraguay et par ses affluens une route qui mènerait au Pérou, au pays de l’or, en épargnant aux voyageurs le pénible et long détour du Cap-Horn ; mais on avait compté sans le désert du Grand-Chaco, qui était alors à peine connu de nom, et qui même encore aujourd’hui n’a été exploré que de la manière la plus imparfaite. Les difficultés que l’on y rencontra dissipèrent bientôt les illusions, le gouvernement alla de nouveau s’établir à Buenos-Ayres, et les aventuriers renoncèrent à se lancer dans une voie qui ne conduisait à rien. Le Paraguay ne fut plus alors qu’une dépendance administrative et fort négligée de Buenos-Ayres, quoique plus tard, lors de l’expulsion des jésuites, on lui ait annexé la province des Missions. C’est parce qu’il prétendait avoir hérité de tous les droits de l’ancienne vice-royauté sur le Paraguay que le gouvernement de Buenos-Ayres se refusa pendant si longtemps à le reconnaître comme état indépendant.

Une autre raison protégea les Guaranis, c’est qu’on ne découvrit dans leur pays aucune mine de métaux précieux. Ils n’eurent rien