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extérieures une direction qui inspire la confiance au pays. » Le prince de Hohenlohe s’est vivement et habilement défendu devant les députés comme devant les pairs ; il n’a pas moins essuyé une défaite dans les deux chambres. L’adresse hostile des députés vient de passer à une majorité de 16 voix. Au fond, il n’y a point à s’y méprendre, c’est une manifestation anti-prussienne. Cela veut dire que les traités avec la Prusse sont un grand fléau, qu’on ne peut pas les rompre, mais qu’on peut se réserver de les interpréter, qu’il faut se garder d’aller plus loin, et que le prince de Hohenlohe est soupçonné d’être trop Allemand. On a bien senti le coup à Berlin ; aussi traite-t-on de haut les patriotes bavarois, comme on les appelle ironiquement ; on leur fait entendre qu’ils ne sont pas libres d’affaiblir la défense de l’Allemagne, et on les accable sous le nom injurieux de parti de l’étranger. La faiblesse de cette opposition de Munich, ce n’est pas d’être le parti de l’étranger, c’est d’être plus passionnée et plus ardente que compacte ; elle se compose de toute sorte d’élémens réfractaires, cléricaux, démocrates, autonomistes étroits et récalcitrans ; elle a contre elle l’esprit allemand et l’esprit libéral. Elle a cependant la force que donne un sentiment populaire éprouvé par des « destins rigoureux, » selon le mot de l’adresse, et effrayé de l’avenir. Que fera-t-on maintenant à Munich ? On peut dissoudre encore une fois le parlement, mais ce n’est pas un expédient des plus sûrs ; le sentiment particulariste qui a produit l’opposition actuelle ne laissera pas de subsister. Un changement radical de ministère est encore moins une solution, ou ce serait une solution assez périlleuse, puisque cela impliquerait un désaveu de la politique de conciliation suivie depuis trois ans vis-à-vis de la Prusse. La Bavière est engagée dans un défilé fort embrouillé. Si elle va jusqu’au bout de ses instincts particularistes, elle s’attire l’hostilité de la Prusse, qui compte en Bavière, comme partout, des alliances puissantes ; si elle recule, c’est dès ce moment une abdication qui conduit à une absorption plus ou moins prochaine. Le prince de Hohenlohe avait quelque raison de dire que ce n’était plus une affaire simplement bavaroise. Dans ces termes, la question s’agrandit, elle touche à ce point où elle peut devenir à l’improviste une question européenne. La meilleure solution serait encore sans doute un ministère dont le prince de Hohenlohe resterait le chef, et qui s’appliquerait à rassurer le sentiment d’indépendance si vivant encore en Bavière. Ce serait peut-être le moyen d’éviter les partis extrêmes et d’ajourner des complications qui viendront toujours assez tôt.

Une crise commence en Bavière, une autre crise vient de finir en Autriche par la reconstitution du ministère cisleithan ; mais les crises peuvent-elles finir en Autriche ? C’est bien là que les derniers événemens ont laissé un amas de difficultés et de problèmes. La guerre de 1866 a fait à l’Autriche la dure condition d’une puissance exilée de l’Allemagne et trop allemande encore pour que l’élément germanique ne tende pas