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REVUE DES DEUX MONDES.

il les a écoutés, et on en a fait un grief contre lui ; mais ni l’empereur François-Joseph ni M. de Beust ne pouvaient méconnaître que les cinq du cabinet avaient la majorité dans le Reichsrath. Le ministère a été dès lors reconstitué à l’exclusion de la minorité dissidente. Ce n’est pas sans peine qu’il est arrivé à se remettre sur pied. On a passé quelques jours à chercher un président du conseil qu’on ne trouvait pas, et on a fini par élever à ce poste un des anciens ministres, M. Hasner. C’était donc une victoire de la politique centraliste. Au premier abord, il n’en pouvait résulter qu’une recrudescence d’aigreur et d’animosité dans les rapports du gouvernement de Vienne et des provinces qui réclament plus que jamais leur autonomie. Il n’est pas certain cependant que le ministère reconstitué puisse aller bien loin dans cette voie. D’abord, dans l’intervalle, on a publié les deux mémoires qui ont été le point de départ de la crise actuelle, et le programme des cinq n’a pas eu un succès décisif. Le président du conseil, M. Hasner, dans les premières explications qu’il a données au parlement, s’est montré moins absolu qu’on ne le craignait. M. de Beust, de son côté, prononçait dernièrement un discours dans lequel il gardait soigneusement son attitude de modérateur ou de conciliateur. La force des choses doit l’emporter. Il est bien clair que l’Autriche ne peut retrouver son équilibre qu’en désintéressant les nationalités qui sont la moitié de sa force. Par un centralisme oppressif, elle ne ferait que rejeter définitivement les Slaves dans l’hostilité et donner des armes à ses ennemis. C’est la Russie qui profite de la désaffection de la Bohême et qui cerne l’empire par sa propagande. Récemment encore le général russe Fadiejef publiait à Pétersbourg un nouveau programme panslaviste par lequel il tendait la main de la Russie aux Austro-Slaves. Les Tchèques irrités se sont hâlés de lui offrir le droit de bourgeoisie. Bien des nuages peuvent se former de ce côté, bien des luttes sont possibles. L’Autriche se présenterait à ces luttes affaiblie et désarmée, si elle ne songeait avant tout à pacifier ces provinces, ces nationalités vivaces dans lesquelles elle peut trouver son bouclier et sa force.

CH. DE MAZADE.


REVUE DES SCIENCES.

« Ouvrons quelques fenêtres et faisons entrer du jour dans cette cave où ils sont descendus pour se battre. » Ainsi dirait-on volontiers avec Descartes, lorsqu’on voit s’éterniser une discussion qui ne pourrait durer, si les argumens n’étaient pas fournis par les passions humaines. Le public s’étonne de la facilité avec laquelle les querelles entre savans tendent à s’envenimer, il ne comprend pas pourquoi l’obscurité s’épaissit à mesure que l’on va, tandis qu’il semble que sur un pareil terrain la lumière ne devrait pas tarder à se faire. Deux causes nous expliquent cependant cette apparente anomalie. C’est d’abord la prétention mal