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régime antérieur, on ne pouvait mettre sur le pied de guerre l’armée destinée à entrer en campagne qu’en la composant en grande partie d’hommes de la landwehr. C’était là le peuple en armes, et tous ceux qui ont écrit sur ces matières n’ont pas manqué de faire observer quelles perturbations profondes on apportait dans la société qu’on privait subitement de tant de membres utiles. En outre l’expérience avait démontré quels inconvéniens il y avait, pour l’entrée en campagne, à composer une armée en majeure partie d’hommes de la landwehr. Les auteurs du système de 1860 se proposèrent de former, avec le moins de dépenses possibles pour le trésor public, une armée active susceptible d’être promptement mobilisée. On doit reconnaître qu’ils y ont réussi. En effet, en 1820, un soldat coûtait par an 211 thalers (790 francs), en 1859 214 thalers (802 francs), de 1869 196 thalers (735 francs). L’armée nouvelle était prête à combattre aussitôt après l’adjonction : 1° des hommes de la réserve, donnant, à raison de quatre classes, un effectif de 214,000 hommes ; 2° d’une moitié du contingent annuel recruté par anticipation ; 3° d’un petit nombre seulement des hommes les plus jeunes du premier ban de la landwehr.

Malgré les efforts que fit le gouvernement pour convaincre les chambres des avantages de cette réorganisation, la loi qui devait la consacrer ne fut pas votée ; néanmoins un ordre de cabinet du mois de juillet 1860 doubla presque les cadres de l’armée en créant 32 nouveaux régimens d’infanterie et 10 de cavalerie. Les deux plus jeunes contingens de la landwehr furent subitement incorporés dans la réserve de l’armée active. On ne laissait aux chambres que le droit de sanctionner par la suite les dépenses faites pour réaliser ces transformations, et on les accusait vis-à-vis du pays de méconnaître la grande pensée qui les avait inspirées.

L’armée active de 1850 avait compté 145 bataillons, 152 escadrons, au total 127,500 hommes, et elle coûtait annuellement 102 millions de francs. L’armée renforcée de 1860 compta 254 bataillons, 192 escadrons, 212,600 hommes, et elle coûta 122,391,000 fr. L’essai qu’on en fit dans la guerre du Danemark démontra au roi que la nouvelle organisation répondait tout à fait aux nécessités de sa politique. Elle se termina sans qu’il fût besoin de faire appel à la landwehr, ni même de mobiliser tous les corps d’armée. La rapidité avec laquelle l’armée prussienne se trouva en Bohême prête à combattre décida du sort de la campagne de 1866. À partir de cette époque, les bases du nouveau système, consacrées par l’expérience, étaient désormais acceptées par l’opinion publique. Au lendemain de Kœnigsgrætz, le gouvernement obtint à la fois un bill d’indemnité pour sa conduite extra-parlementaire avant la guerre et