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que celle du cap de Bonne-Espérance, et provoqua diverses études à ce sujet.

En 1829, M. Chesney, alors capitaine, aujourd’hui général, frappé de l’importance de ce projet, entreprit de faire la reconnaissance de l’Égypte et de la Syrie pour déterminer la direction à suivre ; il traversa seul l’Égypte, le désert d’Arabie, descendit l’Euphrate, revint en Angleterre par la Perse et la Turquie, et décida le gouvernement à décréter une expédition officielle pour étudier le cours de l’Euphrate et la possibilité d’y établir un service régulier de bateaux à vapeur. Comme chef de cette expédition, il fit, de 1834 à 1837, la reconnaissance complète du fleuve et des contrées riveraines ; mais, malgré ses efforts, aucune suite ne fut donnée à l’entreprise.

En 1857, il sollicita sans plus de succès la concession d’un chemin de fer depuis l’embouchure de l’Oronte, sur la Méditerranée, jusqu’au Golfe-Persique, et déploya dans toutes ces circonstances une énergie, une persévérance, une activité comparables à celles que M. de Lesseps a montrées plus tard pour le percement de l’isthme de Suez. Quoique, moins heureux que lui, il ne voie pas encore la réalisation de ses projets, il peut cependant se dire qu’un jour ou l’autre ils seront mis à exécution. Le gouvernement anglais paraît du reste en sentir aujourd’hui la nécessité, car après une première publication, interrompue par divers incidens[1], des documens relatifs à ces expéditions, il vient, après plus de trente ans, de les livrer à la publicité. Outre l’intérêt qu’ils présentent en eux-mêmes comme récit de voyage, ils en ont un considérable eu égard à l’objet qu’ils ont en vue : la question est encore pendante-, il est d’ailleurs toujours utile de faire connaître au monde ce que peut un homme qui, sans aucune idée de lucre, consacre sa vie entière et ses efforts au triomphe d’une entreprise utile à son pays.


I

En 1829, le colonel Chesney (nous lui donnerons ce titre dans le récit de son expédition, bien qu’il fût alors capitaine et qu’il soit aujourd’hui général), ayant appris que la compagnie des Indes s’occupait des moyens d’ouvrir vers ces possessions une voie de

  1. Dans le principe, l’ouvrage devait comprendre tous les détails historiques, géographiques et politiques en rapport avec les intérêts engagés ; mais en 1843 l’auteur fut envoyé en Chine à la tête d’un régiment d’artillerie. A son retour, en 1847, son manuscrit lui fut volé par un cocher, qui emporta sa valise avec tout ce qu’elle contenait, au moment même où il allait le porter à l’imprimerie. Cependant il se remit à l’œuvre, et en 1852 il publia deux volumes ; mais, ne pouvant continuer à ses frais l’impression d’une œuvre aussi considérable, il l’interrompit, jusqu’à ce que le gouvernement, éclairé sur la valeur de ces documens, lui demandât un récit succinct de ses travaux. C’est ce livre qui est aujourd’hui entre les mains du public anglais.