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invités du césar ne respiraient ainsi que fraîcheur et parfums. Il ne faut oublier ni le lararium, c’est-à-dire le sanctuaire où l’on venait adorer les dieux protecteurs de la famille impériale, ni les chambres en forme d’exèdre où l’on pouvait se retirer et causer secrètement, ni le portique et les petites salles de service qui ont vue sur la vallée de l’Aventin et le grand cirque.

Il serait puéril de louer, à titre de bienfaits, des prodigalités qui étaient devenues un usage et peut-être une nécessité sous tous les empereurs. Les distributions de vivres, d’argent, d’objets utiles ou précieux, n’étaient pas seulement réservées au peuple ; les sénateurs et les chevaliers en avaient leur part. Ils recevaient des présens, des lots, jusqu’à des rations de pain, et si le besoin empêchait les plus misérables de rougir, les mœurs publiques n’empêchaient point les plus riches de tendre la main. Ce qui est plus louable, c’est le désintéressement que fit voir pendant quelques années un souverain qui sentait cependant s’épuiser les richesses amassées par Vespasien et dilapidées en partie par Titus. Il ne montra ni cupidité ni complaisance pour les pourvoyeurs du trésor ; il recommandait à toute sa cour l’horreur de l’avarice ; il refusait d’accepter la succession de tous ceux qui l’avaient institué leur héritier, quand ils avaient des enfans. Il remit à tous les débiteurs du fisc les dettes qui remontaient à plus de cinq ans avant son avènement, annonça que ses procurateurs n’intenteraient aucun procès avant un an, rendit les poursuites plus difficiles, réprima les chicanes des agens fiscaux par d’équitables précautions, fit rendre à leurs propriétaires les champs envahis par les vétérans que les Flaviens avaient établis dans les colonies ou dans les municipes. En un mot, il rendit à tout l’empire l’ordre matériel, la sécurité, l’aisance, et fit espérer une longue suite de jours heureux. Il encouragea l’agriculture ; il défendit la castration, qui, en remplissant d’eunuques les gynécées, enlevait des bras à la terre ; il songea un instant à supprimer les hécatombes et même à défendre qu’on immolât des bœufs ou des génisses devant l’autel des dieux, de peur que les pâturages ne fussent dépeuplés et les charrues sans attelages. Frappé de la rareté du blé et de l’abondance du vin, il essaya d’arrêter par un décret la plantation des vignes ; comme il arrive toujours, ce décret n’eut point d’effet, et l’on recula devant les vexations innombrables qu’il aurait causées.

Les lettres furent honorées au début du règne comme l’agriculture. Des concours furent institués au Capitole en grec et en latin, pour la prose et pour les vers ; les vainqueurs recevaient une couronne d’or. Tandis que Martial, obscène et servile, tandis que Stace, fils du professeur de Domitien, luttaient de bassesse avec les courtisans, Valérius Flaccus récitait son poème des Argonautes, dédié à Vespasien, Silius Italicus chantait la Seconde guerre punique,