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servent dans l’armée prussienne proprement dite (cavalerie ou armes spéciales) portent sur le casque la cocarde de leur pays d’origine et une distinction quelconque. La situation des princes régnans par rapport aux troupes cantonnées sur leurs territoires respectifs est celle de généraux commandans ; mais c’est le roi de Prusse qui possède le droit de grâce, nomme et avance les officiers. Les souverains n’ont que le droit de nommer, mais en les payant, les officiers à la suite. Quant à leurs aides-de-camp et à ceux des princes héritiers, ils reçoivent leurs traitemens sur la caisse fédérale. Telles sont les dispositions générales au moyen desquelles la Prusse a maintenant dans sa main la totalité des forces de la confédération.

L’Allemagne du nord s’est trouvée ainsi dotée d’un jour à l’autre d’institutions militaires dont elle n’avait eu jusqu’alors aucune notion et surtout aucune pratique. Dans aucun des états confédérés, le principe du service obligatoire n’était en vigueur avant 1866. Le système du recrutement par le tirage au sort y avait été universellement adopté : les hommes désignés pour entrer dans l’armée pouvaient se faire remplacer partout, sauf en Saxe ; le temps de service était en général de deux, tout au plus de trois années ; enfin, pour ménager les finances et réaliser des économies, il arrivait très souvent que les différens petits contingens atteignaient à peine l’effectif normal exigé par l’ancienne législation militaire fédérale. Aujourd’hui tout cela est complètement changé, puisque chaque Allemand du nord (article 57 de la constitution) est obligé au service militaire (wehrpflichtig).

Ce n’est pas seulement sous cette forme que les habitans de l’Allemagne du nord doivent concourir à la puissance militaire de la patrie commune ; des sacrifices pécuniaires considérables s’imposent désormais aux populations germaniques. Le budget des dépenses de la guerre pour le royaume de Saxe s’élevait en 1866 à 2,305,442 thalers ; il est maintenant de 5,274,000 th. Le contingent de la Saxe grand-ducale coûtait autrefois au pays 200,250 thalers ; il absorbe aujourd’hui la somme de 630,450 thalers. Le duché d’Anhalt contribuait aux dépenses militaires pour 162,975 th. ; elles s’y élèvent sous le nouveau régime à 434,250 thalers, et ainsi de suite dans les mêmes proportions pour tous les états qui font partie de la confédération du nord. Cependant les budgets de ces divers pays ne se soldaient pas par des excédans de recettes considérables. Comment ont-ils pu faire face aux dépenses que la constitution et les lois organiques leur imposent ? Évidemment ils devront tôt ou tard recourir à l’établissement de nouveaux impôts. À ce titre, la transformation que subit l’Allemagne a lésé les intérêts de toutes les classes de la société civile sur toute la surface du territoire germanique,